Cinéma

D’amour ou d’amitié – sur Matthias et Maxime de Xavier Dolan

Critique

Avec Matthias et Maxime, Xavier Dolan se penche sur l’histoire d’une bande d’amis, bouleversée par un baiser échangé par deux d’entre eux. Le réalisateur et acteur québecois semble, à travers ce film plus calme qu’à l’habitude, livrer une partie de sa vie, comme s’il nous présentait ses amis, dont il affirme être amoureux – tout en mettant en garde contre une lecture trop autofictionnelle.

Tout comme pour son précédent film, Ma vie avec John F. Donovan (accident industriel globalement éreinté par la critique, que nous avions pourtant plutôt aimé), il est par trop tentant de chercher les signes autobiographiques du nouveau Dolan. Cédons-y, à la faveur des propos tenus par le réalisateur : l’amitié en bande, confie-t-il, a été l’expérience la plus importante de la deuxième moitié de sa vingtaine, lui qui n’avait jusqu’alors jamais vraiment connu ce mode amical. Des proches du prodige semblent entériner cette lecture.

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Ainsi de l’actrice et réalisatrice Monia Chokri (vue dans plusieurs films de Dolan), citée par Laurent Beurdeley dans Xavier Dolan l’indomptable : « Si tu ne fais pas de cinéma, tu ne peux pas être ami avec lui, le cinéma, c’est sa vie, d’ailleurs, il n’a pas de vie. » C’est que Dolan, dans sa jeunesse, n’a pu avoir de vie sociale très riche ou trépidante, trop occupé qu’il était à l’élaboration de ses films, huit déjà, chiffre assez confondant pour un réalisateur de trente ans. Aussi a-t-il voulu portraiturer un groupe d’amis inséparables ou presque, dont les parfums de vérité exhalés viennent en partie de ce que ces personnages diégétiques sont incarnés par ses amis dans la « vraie vie ». De même incarne-t-il lui-même l’un des deux rôles principaux.

Mais Dolan brouille un peu les cartes, distillant des signes plus ou moins contradictoires ; ainsi, à rester jusqu’à la toute fin du générique, on lit des mots du cinéaste qui soutient que le film serait une pure fiction, auxquels il ajoute : « je suis de nature solitaire et indépendante ». Dolan semble nous livrer une partie de sa vie, comme s’il nous présentait ses amis, dont il affirme être amoureux, cependant qu’il refuse d’un autre côté une lecture autofictionnelle que le spectateur pourrait s’octroyer.

L’argument du film est simple : suite à un pari perdu, Matthias (De Almeida) doit jouer dans le film de la sœur de Rivette, un des amis de la bande. Or le rôle qui lui échoit consiste essentiellement à embrasser l’autre protagoniste du film, incarné quant à lui par Maxime (Xavier Dolan). Ce baiser échangé sera un choc pour ces deux amis d’enfance.

Le film cherche à la fois une vigueur, un allant, une alacrité dans une manière de buddy movie où fusent les traits d’humour, les vannes, les taquineries entre les membres de la bande, mais en même temps un déploiement élégiaque propre à informer la relation ambiguë vers laquelle glisse l’amitié entre Matt et Max.

Dolan thématise la frontière parfois ténue entre la joie enfantine d’envoyer des vannes à ses potes et le narquois d’attaques qui, sous couvert d’humour, incise et ravive les blessures.

Ce premier versant du film est assez réussi, en ce qu’il parvient à distiller l’énergie spécifique à l’amitié pratiquée en groupe. On regrettera néanmoins l’utilisation (trop) intempestive de zooms et de dé-zooms, recadrages dont on comprend la volonté de retranscrire ou de renforcer les effluves de vie qui surgissent alors allègrement, mais qui in fine s’avèrent plutôt redondants avec les situations et le crépitement des dialogues. Comme si Dolan avait plutôt plaqué cette forme façon malheureusement un peu artificielle, en tout cas superfétatoire – et pénible à regarder.

Reste que l’effervescence de l’amitié est plutôt bien décrite. De même que le glissement, parfois douloureux pour les plus susceptibles, de l’alacrité et du facétieux vers son gradient plus espiègle sinon sardonique. Est ainsi thématisée la frontière parfois ténue entre la joie enfantine d’envoyer des vannes à ses potes et de rebondir le plus de fois possible, soluble dans le jeu amical, et le narquois d’attaques plus ou moins subreptices, qui sous couvert d’humour incise et ravive les blessures. Et ce jusqu’au point de non-retour (ou presque) : dans une sorte de gradation, vers la fin du film, lors de la fête de départ de Maxime, un Matthias à vif, tendu par l’attirance auparavant insoupçonnée pour son ami d’enfance, rabaisse l’intelligence d’un membre du groupe (« est-ce que tu peux le saisir, intellectuellement ? »), avant d’appeler Max « la tâche ».

La fête prend alors fin. Mais qu’on ne s’y trompe pas, le film est bien une ode à l’amitié, car les travers ou les aspects négatifs présents dans toute bande d’amis sont, dialectiquement, balancés par leur apport voire l’épanouissement qu’elle peut procurer. Qu’ils s’appellent bien souvent « tête de cul » ou « tête de laid » voire s’invectivent franchement n’annihile jamais les bases solides de leur lien. Ils peuvent aller jusqu’aux mains, quelques minutes suffisent qui voient le déclencheur de la rixe s’excuser sincèrement, et les deux jeunes hommes se réconcilier dans une accolade. De même les amis sont-ils présents lorsqu’il s’agit de rendre service : un ami de la bande ainsi que sa collègue serveuse n’hésiteront pas à aider Maxime à remettre à neuf le studio qu’il quitte.

À ce premier film ou à ce premier versant, s’adjoint et s’entremêle un autre : le trouble qui s’empare des protagonistes lorsque l’amitié semble, à la faveur d’un baiser, se transfigurer en amour. Une longue partie du film qui suit le baiser (caché par la mise en scène) va alors séparer les deux protagonistes, dont le quotidien et le désarroi subséquents sont décrits. Comment peuvent-ils, alors qu’ils se connaissent depuis l’enfance, ressentir une irrésistible attirance qui menace de désagréger leur amitié, leur lien à la bande, et la norme hétérosexuelle à laquelle ils répondaient ? À cet égard, la mise en scène de Dolan, encore une fois, se montre plutôt inventive.

Un assez long noir (deux secondes au bas mot) suggère le choc provoqué par ce baiser. Auquel succède une petite scène proprement dolanienne, où l’aspect clipesque (non sans ralentis) sait ne pas s’enferrer dans le clinquant, et semble gouverné par une impérieuse nécessité intérieure. Sur une luxuriante musique (de fosse) au piano, le montage est alerte et délié, qui rassemble de multiples axes de prises de vue sur Matthias nageant dans le lac qui borde le chalet de Rivette, comme s’il espérait pouvoir se soustraire à ce bouleversement intérieur qui le submerge.

L’eau renvoie à la mer et, partant, à la mère : tout se passe comme si le jeune homme cherchait à retrouver le ventre maternel, matriciel, dans un accès régressif visant à se rasséréner, et à se protéger de l’extérieur et des tourments intérieurs que la vie suscite toujours. En même temps, c’est avec une certaine célérité que nage Matt, que le montage assez court rehausse, engageant ainsi une manière de dialectique entre le cocon (protecteur) immobile et l’échappée véloce.

De façon plus systématique, Dolan use de surcadrages pour informer un élément qui s’avère encore une fois dialectique : si Matthias et Maxime sont comme enfermés par cette situation qui, d’une certaine façon, rebat les cartes, ils n’en forment pas moins le centre du cadre, métaphore du surgissement d’un événement dans leur vie, qui de prime abord semble pernicieux, grevant leurs perspectives et minant leurs bases et leurs acquis, mais qui au fond peut constituer un nouvel élan fondateur, le dépositaire d’une vérité jusqu’alors enfouie sous le poids des injonctions de la société.

Le premier de ces surcadrages est remarquable : les deux héros derrière la fenêtre, en plan large, entourés par le noir profond de la nuit alors que la filmeuse en herbe leur explique leur rôle dans le film. L’obscurité inquiète dans la façon qu’elle a de dominer l’écran, mais en même temps elle borde le champ de la fenêtre non sans une certaine beauté, hissant ces balbutiements amoureux vers une manière de picturalité. Plan équivoque qui condense et le « mal » venant de l’extérieur, c’est-à-dire du monde social, et la grandeur éclatante de la naissance d’un amour, qu’il réponde ou pas aux schèmes dominants.

Accepter pleinement cette relation ne pourrait se produire que dans un autre type de société, où les bords dominants de la norme seraient rongés et démantelés.

Bien plus tard, lorsqu’ils finissent par se rapprocher et à s’embrasser (baiser qui est alors exposé), plusieurs plans les cadrent de façon similaire, derrière une fenêtre. La puissance de la scène alors procède de ce montage à distance, par échos visuels, mais aussi d’un changement de format d’image. Celui-ci rappelle inévitablement le coup formel de Mommy, où à deux reprises le carré du cadre se dilatait, mais ici le cadre se resserre, et le changement est autrement ténu, ce qui s’accorde à la facture plus modeste de la mise en scène.

Ainsi le monde dans lequel vivent les personnages les empêche de vivre une histoire d’amour : à l’image de l’affiche publicitaire hétéronormée qui ouvre le film, la relation homosexuelle est encore condamnée. Accepter pleinement cette relation ne pourrait se produire que dans un autre type de société, où les bords dominants de la norme seraient rongés et démantelés. Il s’agit donc d’ouvrir une fenêtre dans le cadre du monde social, qui pour être assez lointaine, n’en existe pas moins d’absorber toute la lumière de l’image. Un plan fait basculer le point, passant de de cette fenêtre aux gouttes de pluie qui lèchent ses abords. Ce fockus racking se substitue ainsi aux larmes des personnages subséquentes aux abîmes de leur désarroi amical, amoureux, existentiel. Tout comme à la fin du film, un objet dans le plan cache une partie du visage de Max qui s’échine tant bien que mal à ravaler ses sanglots – puisqu’il est au téléphone avec une inconnue. Cette pudeur n’est pas sans rappeler ce très beau plan de Mommy où Anne Dorval, de tout son corps, s’escrimait à ne pas pleurer.

Dolan ose également employer un nouveau procédé étranger à ses tropismes plastiques : l’accéléré, qui lors de la séquence de fête de départ de Maxime sert surtout à souligner, par contraste, des plans sur les deux personnages éponymes filmés en slow-motion. Belle idée contrapuntique qui traduit en quelque sorte leur extranéité aux festivités, dont les agitations sont à contre-courant de leur bouleversement intérieur. Le trouble qui les travaille les empêche de goûter et de partager ces paroxysmes vitalistes. Ils sont aussi filmés séparément, comme pour ménager patiemment leur rencontre dans le cadre, à laquelle le spectateur désire ardemment assister.

Outre la nécessité de ce contrepoint plastique pour informer l’enjeu du récit, on sent que Dolan s’amuse à user du slow-motion cher à Wong Kar Wai (il fait partie intégrante de son langage visuel), tout comme lorsqu’il convoque le nom d’Almodovar cité par la mère de Matthias à propos du court-métrage réalisé par la sœur de Rivette (non sans écorcher l’une des syllabes). En effet, ils font partie des grands cinéastes que les critiques ont le plus associé à Dolan, de par l’influence qu’ils auraient eue sur lui, notamment pour ses premiers films. Mais ici, si l’amour impossible vécu en secret ou de façon esquissée est thématisé au cœur du récit, le déploiement formel baroque et flamboyant de l’esthétique almodovarienne n’est pas vraiment présent ; dans le numéro d’octobre des Cahiers du cinéma, le cinéaste dit : « On voulait faire un film plus pastel, avec des blancs, plus lumineux, un peu comme Harry Savides dans Elephant. On voulait des plans un peu surexposés sur des fonds pastel, des couleurs plus douces, du jaune, du rose, se débarrasser des rouges sauf pour certaines scènes très précises. Quelque chose d’un peu plus « pascal »… En tout cas pas un film « coloré ». »

Si la description des autres membres de la bande d’amis reste assez inconsistante, deux autres personnages s’avèrent plus intéressants, qui débordent la simple fonctionnalité comique et outrepassent la béquille scénaristique.

Ainsi de la sœur de Rivette, sorte de caricature de la jeune étudiante en cinéma réalisatrice en herbe. Elle représente plus généralement une certaine jeunesse québécoise, à la fois dorée (pas de problèmes d’argent) et indigente (sur le plan intellectuel). Ses tics de langage tendent à phagocyter ses phrases, en particulier le mot « genre » qu’elle ne cesse d’utiliser, et l’usage de l’anglais de façon intempestif, avec notamment une profusion de « fucking » et de « Oh my god » parfois décliné en un simple « OMG », où l’on reconnaît le Dolan malicieux – qui pour autant ne vire pas au sardonique. Mais il n’y a pas seulement son langage qui soit cocasse, son rapport à son outil d’expression l’est également. Ainsi prétend-t-elle réaliser, avec son court-métrage de moins de deux minutes, un mélange d’impressionnisme et d’expressionnisme, cependant qu’elle semble méconnaître le sens même de ses termes.

Ce personnage constitue une figure-repoussoir à laquelle Dolan ajoute, plus tard, une autre : un jeune avocat d’affaires infatué. Matthias doit le rencontrer dans un déjeuner professionnel. Parsemée de légères contre-plongées ironiques sur l’avocat, la conversation que monopolise celui-ci évoque presque uniquement des histoires de sexe et des filles qui lui tourneraient autour à son travail, cependant qu’il évoque sa fierté d’être fiancé, montrant son alliance à Matt en avouant qu’enfant, en voyant celle de son père, elle représentait déjà pour lui le rêve absolu. Cette vision formatée et normative du bonheur mène les deux personnages, tout naturellement, à un club de strip-tease.

Dolan va alors user, non sans malice ni inventivité visuelle, d’un raccord sur un plan où le personnage qu’il incarne vomit dans un lavabo. Le montage exprime ainsi l’aversion pour cet univers et ce personnage. L’avocat et l’étudiante en cinéma sont comme deux pôles de génération différente qu’il s’agit, pour les protagonistes éponymes, de contourner. Ces derniers semblent entre les deux âges, supputons l’entrée dans la vingtaine et le début de la trentaine. Ainsi, à la croisée des chemins, arrivés à un moment de leur vie où leurs décisions s’avèrent déterminantes, il faut bien trouver sa voie. Or, Matt et Max semblent ne pas comprendre, ou du moins adhérer à ces personnages, peu ou prou représentatifs d’un certain âge de la vie, dans l’absolu comme dans leur époque.

D’un côté, une jeunesse qui affiche de l’ambition artistique mais se complait dans l’indigence lexicale (et la paresse intellectuelle), et qui affiche un progressisme sociétal radical, dissolvant toute différence des sexes dans la fluidité du genre (social). De l’autre, une trentaine à la réussite sociale insolente, qui épouse un mode de vie conservateur où il convient pour un homme d’être marié à une femme mais aussi d’être misogyne. Deux personnes aux antipodes sociétaux, que subsument néanmoins une vacuité intérieure affichée et au fond une domination socioéconomique assumée.

On retrouve Anne Dorval, à l’inverse de sa flamboyance dans Mommy elle se révèle beaucoup moins affable et attachante, dépeinte essentiellement comme une mère indigne des plus irascibles.

Matthias semble circonspect quant à l’avenir qui l’attend dans le monde juridique (on ne sait pas trop s’il se destine à une carrière d’avocat, de juriste, ou autre, mais il a bien « chié sa thèse » comme le dit Maxime). Comme si ce baiser lui avait ouvert les yeux sur son orientation sexuelle – ou simplement la personne aimée, lui qui est installé en couple avec une jeune femme –, mais également sur le cheminement socioprofessionnel emprunté. La remise en question du personnage est donc polymorphe. Si au cabinet juridique il semble sourd à son environnement et à ses collègues (état dont rend compte la mise au point), c’est évidemment parce que l’obsession de ce baiser le tenaille, mais aussi peut-être parce qu’il tend à restructurer plus globalement sa vision du monde. Tient-il encore à embrasser le moule conformiste de la sacro-sainte réussite sociale au modèle standardisé ? Rien n’est moins sûr.

Maxime a lui d’autres problèmes. D’abord le rapport qu’il entretient avec sa mère. Alcoolique et fielleuse, elle représente pour lui, même si c’est triste à dire, un fardeau. On retrouve Anne Dorval dans ce rôle, mais ici, à l’inverse de sa flamboyance dans Mommy voire dans J’ai tué ma mère, elle se révèle beaucoup moins affable et attachante, dépeinte essentiellement comme une mère indigne des plus irascibles.

Dorval campe avec talent une femme aigrie, qui prétend n’avoir besoin de rien ni personne, mais qui n’hésite pas, à la moindre occasion, à rabaisser son fils, lui assénant qu’il ne sait que pleurnicher, se cacher dans la salle de bain ou les toilettes pour pleurer. Et on voit bien que l’argent est, chez cette famille plutôt défavorisée, le nerf de la guerre : mère et fils se battent à ce propos. Ce milieu plus modeste que celui de la plupart des amis de sa bande, Maxime semble en souffrir, qui vivote avec un job de serveur et confie à son voyage en Australie ses espoirs professionnels.

La relation difficultueuse avec sa mère n’est sans doute pas étrangère à ce que Max ait trouvé en celle de Matt presque une mère de substitution, elle qui malgré quelques critiques (elle lui reproche notamment ce leitmotiv langagier : « c’est pas de ma faute »), est une mère aimante.

Il souffre, par ailleurs, de la tâche de vin sur son visage. Celle-ci commence au niveau de l’œil, comme si des larmes avaient ruisselé, figurant ainsi le sentiment de tristesse. Belle idée allégorique du cinéaste que l’on peut lire comme le pendant à la balafre du protagoniste de L’homme qui rit de Victor Hugo, peu ou prou repris pour le personnage du Joker (sur lequel un film, signé Todd Philipps, récompensé du Lion d’or, vient de sortir sur les écrans) : sur le sourire large et figé, cruellement ironique tant on connaît la tristesse que charrie le personnage d’Hugo, Dolan propose une variation dont l’ironie est cette fois moins évidente, les seuls moments qui viennent vraiment éclairer son existence étant ceux qu’ils partagent avec son groupe d’amis en la présence desquels son complexe se dissout.

Mais cet « homme qui pleure », par-delà la signification ad hoc qu’il revêt dans ce film, concorde avec l’ensemble de l’œuvre du cinéaste, dont les dialogues cocasses et savoureux, que rehausse parfois le folklorique pour nous de la langue et de l’accent québécois, ne doivent pas faire oublier que c’est aussi un art des larmes irrigué par la forme générique du mélodrame. Or, le film ne nous emporte pas totalement de ce point de vue. Peut-être parce qu’il est un brin paresseux, à l’image de cette fin qui laisse un sentiment d’inachevé ; on aurait aimé qu’il creuse davantage la psychologie de ses personnages, qu’il approfondisse un peu ses thèmes, ici un peu dilués.

De même, Dolan nous avait habitué à une forme un peu plus ouvragée, du reste il l’admet lui-même, ce film se veut moins ambitieux et recherché à ce niveau. Si d’aucuns pourront louer un certain calme trouvé dans le style du cinéaste, signe d’une maturation, on regrette un peu le maelström irrésistible d’émotions, un côté ébouriffant, échevelé, propre à Dolan, pas toujours des plus subtils mais à l’efficacité indéniable, que l’on trouvait dans ses meilleurs films, notamment Laurence Anyways et Mommy. L’auteur des Amours imaginaires travaille actuellement à un projet de mini-série ; espérons qu’il y retrouve totalement sa puissance esthétique et émotionnelle.

 

Matthias et Maxime de Xavier Dolan, sortie le 16 octobre 2019.


Aurélien Gras

Critique, Doctorant en études cinématographiques

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