Nul mieux que Régy
Une idée, c’est déjà bien. Et Claude Régy laisse après lui de quoi se faire une idée de ce que fut son art, moins par des traces matérielles dont il ne voulait pas que par sa parole sur son propre travail, prolixe, souvent brillante et toujours stimulante[1], parole qui aura aussi donné des idées puisqu’en plus de provoquer un riche commentaire analytique, elle alimente aujourd’hui largement la vulgate du théâtre contemporain.
Avec lui, une certaine idée du théâtre semble donc s’être imposée, mais elle n’empêchera cependant pas de se faire des idées qu’en l’absence désormais d’œuvres auxquelles les mettre à l’épreuve, il sera difficile de dissiper et ce d’autant moins que les propos de Régy se prêtent facilement à une lecture abstraite voire métaphysique. Victoire culturelle, en somme, mais la culture (on nous l’a bien dit) ne dit que la règle et non l’exception, qui, elle, ne peut se dire, si bien que tout ce qui se dit de cette œuvre pour en donner une idée, ne pourra jamais que la recouvrir de son discours et, finalement, se substituer à elle, comme un deuil – aporie classique.
Or ce que Régy faisait au théâtre (ce qu’il y faisait et lui faisait) était irréductiblement de l’ordre de l’exception et dans sa dernière période, celle qu’on dira « du début du siècle » et dont il sera seulement question ici, il était parvenu, au terme de l’effort de toute une vie d’artiste, à se débarrasser à tel point de tout ce qui est censé faire théâtre qu’il ne laissait plus grand-chose à dire : plus de narration ni de fiction, évidemment, plus de situation, de drame, de psychologie, plus rien même qui relèverait d’une quelconque mimésis.
Mais plus non plus le moindre signe où ancrer un sens, lire un discours ; plus rien en définitive qui occulte le fait théâtral en soi – qu’on n’aura pas l’illusion de prétendre définir ici, mais qui a à voir avec l’expérience de la présence et la sensibilisation d’une pensée et probablement avec ce « vivant » que Myriam Marzouki chercha