Rêve américain : du songe au mensonge – sur les Nouvelles complètes de Philip K. Dick
Philip K. Dick est mort. Mais son monde est vivant. Plus que jamais, serait-on tenté de dire. Son Amérique, cauchemardée dans son œuvre, a fini par percoler de la fiction à la réalité. Comment le graphomane fou de Berkeley aurait-il donc réagi en observant l’élection présidentielle américaine ? En constatant que Trump et ses partisans croient toujours aujourd’hui, contre l’évidence, en une réalité alternative où ils auraient gagné de nouveau la Maison Blanche ?
Comme en 1973 pour la démission de Nixon, il aurait sans doute intégré l’épisode improbable de Trump à L’Exégèse, texte autophage nourri de tous ses textes antérieurs et qui l’occupa les dernières années de sa vie, huit mille pages rédigées dans une fièvre interprétative, et dans lesquelles, à la manière d’un théologien, il relit sa vie, l’histoire de l’Amérique, et ses fictions pour en extraire « le » sens… Cette quête maladive, occupant ses nuits, à la manière d’un mystique, jette un éclairage singulier sur les nouvelles de Philip K. Dick. Elles n’apparaissent plus alors que comme les paraboles, les supports littéraires d’un projet plus fondamental. N’écrivait-il pas à ce propos, toujours dans L’Exégèse : « Je suis un philosophe qui fait de la fiction, pas un romancier… Ce n’est pas l’art qui est au cœur de mon écriture, mais la vérité ».
Personne n’est obligé de suivre l’avis du créateur sur sa création. Il faudrait même, pour une part, ignorer cette puissante ombre portée de l’auteur qui réduit, en un sens, la puissance de la littérature à n’être plus que l’auxiliaire de l’idée. La publication de ses nouvelles dans la collection « Quarto », accompagnée des notes et de la savante introduction de Laurent Queyssi, prouve qu’un texte ne sert pas qu’à illustrer. Elle achève de faire basculer Philip K. Dick de la contre-culture à la culture « légitime », pour reprendre les mots de Bourdieu.
Avec cette consécration éditoriale, les nouvelles de Philip K. Dick échappent à la double fatalité d’être des t