Un dégoût nommé désir – sur Nostalgie d’un autre monde d’Ottessa Moshfegh
Ottessa Moshfegh est née en 1981 d’une mère croate et d’un père juif iranien, tous les deux musiciens. Élevée à Boston, elle a fait une partie de ses études à l’université de Columbia à New York puis à celle de Brown, ancienne patrie de la métafiction américaine sous la houlette de Robert Coover, John Hawkes ou Angela Carter, et toujours animée aujourd’hui par des romanciers et poètes plus ou moins expérimentaux tels que Rick Moody, Laird Hunt, Carole Maso, Thalia Field ou Eleni Sikelianos.

Elle a été l’assistante de Jean Stein, grande dame des revues littéraires (The Paris Review, Grand Street) qui s’est suicidée en 2017, à l’âge de 83 ans en se jetant du quinzième étage de son appartement sur l’Upper East Side. En quelques années, elle a publié quatre romans dont deux ont été traduits en français, McGlue (2014), Eileen (2015), Mon année de repos et de détente (2018) et Death in Her Hands (2020), ainsi qu’un recueil de nouvelles parues dans The Paris Review et The New Yorker avant d’être rassemblées sous le titre de Homesick for Another World (2017).
On la tient pour la nouvelle Bret Easton Ellis au féminin, influence qu’elle reconnaît d’ailleurs volontiers : l’année dernière c’est elle qui a préfacé la réédition anglaise de Moins que zéro et rédigé un article pour The Guardian sur le « brillant ténébreux » de l’écrivain. Pourtant, outre le choix géographique de New York et de Los Angeles, comme lieux d’errance et de déshérence, Moshfegh aurait plutôt tendance à ranimer la tradition du « réalisme sale » très en vogue dans les années 1980, avec Raymond Carver en tête de file… un mouvement qui s’était peu à peu effiloché jusqu’à renaître récemment sous la plume de femmes écrivains qui cultivent un goût certain pour le trash, Rachel Kushner par exemple, qui lance aussi sa sonde dans les coulisses sordides de l’Amérique, clubs de strip-tease ou prisons pour femmes dans son dernier roman Le Mars Club (Prix Médicis étranger en 2018).
Avec Moshfegh le lyrisme des bas-fon