Un film hors de l’histoire – sur L’Établi de Mathias Gokalp

1) Il y a le film. Réalisé par Mathias Gokalp, dont le premier long métrage, Rien de personnel, avait laissé un bon souvenir, il raconte comment, durant les mois qui suivirent Mai 68, un jeune normalien alla se faire embaucher dans une usine Citroën pour mobiliser les ouvriers en vue de continuer la lutte révolutionnaire.
Une succession de scènes montre la fatigue et les maladresses de Robert, l’intellectuel astreint à un travail manuel harassant, décrit les conditions de travail sous extrême pression sur la chaine où sont assemblées les 2CV. Ces scènes rappellent la brutalité de l’encadrement, et à l’occasion de la milice patronale qui faisait régner l’ordre du même nom dans cette entreprise. Elle met en évidence la connivence du racisme et de l’exploitation ouvrière, qui s’imposent aux ouvriers presque tous issus de différents pays de migration.
Autour de Swann Arlaud, aussi convaincant en jeune prof gauchiste confronté au travail en usine qu’en agriculteur confronté à une crise sanitaire (Petit Paysan), en amant de Marguerite Duras (Vous ne désirez que moi) ou en paysagiste utopiste (Tant que le soleil frappe), se déploie une galerie de portraits croqués avec justesse. Entrent ainsi en scène le contremaître roué et implacable (Denis Podalydès), l’ouvrier italien habité de la mémoire du mouvement ouvrier (Luca Terraciano), le prêtre ouvrier cégétiste (Olivier Gourmet), le manœuvre africain déchiré entre la solidarité avec ses collègues et les contraintes de son existence, le jeune prolétaire révolté…
Alors que son personnage principal découvre la réalité de l’usine et de ceux qui la font fonctionner, le film de Mathias Gokalp compose ainsi une description très incarnée d’un environnement où s’active bientôt le conflit qui porte l’essentiel de son déroulement, la grève spontanée initiée par Robert contre une décision particulièrement abusive de la direction, les manœuvres des « petits chefs » pour faire échouer le mouvement, les comportements différen