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De Tchernobyl à la berce Sosnovski, l’impuissance du messianisme russe

Historienne

Alors que la Russie voudrait compter au rang des superpuissances, son territoire est envahi par une végétation venimeuse – une plante cultivée par des agronomes soviétiques qui pensaient y trouver une alimentation pour le bétail : la berce Sosnovski. Les moyens de combat contre ce fléau sont aussi insuffisants que ceux déployés jadis contre l’atome. C’est ainsi que la nature, malmenée, riposte aux ambitions patriotiques et impérialistes de Poutine visant à masquer le caractère fortement inégalitaire de la société russe. Des ambitions de militarisation du pays et des consciences dont témoignent les grandioses célébrations de la Grande Victoire, et parmi elles les marches du Régiment Immortel.

S’il y a une chose dont le communisme n’a jamais manqué, c’est de forfanterie. Depuis l’invention, par Marx, des grandes lois de l’Histoire marxistes, le communisme était en effet perçu comme l’aboutissement du cheminement de l’humanité – du matriarcat au patriarcat, des sociétés primitives à l’esclavagisme, au féodalisme, au capitalisme et à son stade suprême, l’impérialisme –  moment où la lutte des classes, exacerbée, mènerait inexorablement à sa victoire. Peu importe que l’histoire réelle de l’humanité ait à ce point différé du grand récit marxiste : Lénine réussit son coup d’État et imposa sa vision aux peuples de l’Empire tsariste, transformé en une nouvelle communauté soviétique des peuples, l’URSS.

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Il ne s’agissait pas seulement de former un homme nouveau, l’homme soviétique, dévoué à la patrie et aux idéaux communistes, capable de trahir sa famille et ses amis « déviants » en les vouant à la mort ou aux camps. Il s’agissait aussi de transformer le pays agraire en un pays industriel, et de bouleverser la nature elle-même afin de l’obliger à servir les bâtisseurs du communisme. L’agronome autodidacte Ivan Mitchourine (1855-1935), célébré pour ses croisements de fruits et de légumes – finalement peu viables – a donné un slogan à cette politique : « Nous ne pouvons attendre de bienfaits de la nature ; notre devoir est de les lui arracher. »

Au fond, il s’agit de la même insolence qui repose sur la foi, typiquement communiste, en la supériorité de l’homme sur la nature.

Impossible d’énumérer ici les méfaits et les crimes commis, en URSS, contre la nature. Il y a 50 ans, la mer d’Aral, à cheval sur le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, était le quatrième plus grand lac de la planète. Aujourd’hui, une grande partie du bassin est à sec. Pourquoi ? En 1960, on décida de transformer les steppes désertiques en champs de coton. Ce coton servait à produire non seulement des vêtements, mais aussi des munitions sous forme de coton-poudre ou de pyroxyle. Pour ce fai


Galia Ackerman

Historienne, Chercheuse associée à l'Université de Caen

Mots-clés

Nucléaire