Éducation

Les politiques d’éducation prioritaire en France – un bref état des lieux

Inspectrice Générale de l’Education Nationale, Politiste

L’éducation prioritaire est un axe structurant des politiques scolaires françaises depuis 1981. Pourtant, les études menées sur ses résultats montrent qu’elle n’a pas significativement modifié le déterminisme social affectant les résultats scolaires des élèves concernés. Chargés d’une mission sur le thème « Territoires et réussite scolaire », les auteurs disent pourquoi il convient malgré tout selon eux de conforter, adapter et cogérer la politique d’éducation prioritaire.

La France a mis en place une politique publique dite d’éducation prioritaire en 1981, sous l’égide du ministre socialiste de l’Éducation Nationale Alain Savary. Une circulaire ministérielle publiée dès le 1er juillet 1981 créait des « zones prioritaires » au profit desquelles l’État prévoyait d’allouer des moyens spécifiques dans le but de compenser des inégalités scolaires jugées inacceptables. Il s’agissait alors d’une évolution historique dans le sens où l’État rompait là avec le principe de l’égalité formelle de traitement entre l’ensemble des établissements, des personnels et des élèves et installait ce qui s’apparentait de facto à une politique de discrimination positive.

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Depuis presque 40 ans, cette politique constitue un axe structurant des politiques scolaires françaises. Elle bénéficie aujourd’hui à près de 20 % du total des écoliers et des collégiens[1]. Elle a fait l’objet d’évolutions et de changements réguliers en 1990, 1998, 2006, 2011 et 2014 sous l’égide de gouvernements de gauche et de droite dont les bilans, et donc l’efficacité, sont discutés. La non stabilité dans la durée des objectifs et des moyens ne constitue sans doute pas une garantie forte de réussite de ce qui est mis en place, ne serait-ce que parce les changements réguliers qui sont opérés perturbent les repères des acteurs et induisent des coûts d’adaptation.

Dans le même esprit, on doit constater que les moyens alloués à l’éducation prioritaire alors qu’ils devraient à priori être transitoires en permettant à un établissement ou à un réseau d’atteindre les objectifs fixés et, donc, de sortir de la labellisation, sont souvent appréhendés par les acteurs comme des formes intangibles d’indemnisation de la pénibilité professionnelle. De façon paradoxale, le label est valorisé en ce qu’il ouvre droit à un certain nombre « d’avantages » tout en étant aussi considéré comme un stigmate en ce qu’il peut conduire des familles, mais aussi des professionnels de l’éducation, à tout met


[1] Au total de la Métropole et des DOM, 6689 écoles et 1094 collèges relèvent de l’éducation prioritaire. Cela représente un total de 1,2 millions d’élèves du 1er degré, 550.000 collégiens et 100.000 enseignants. Pour la seule Métropole, 13,4% des écoles et 18% des élèves sont concernés. Les chiffres sont respectivement de 18,9% et 18,8% pour les collèges.

[2] 76% des écoles et 87% des collèges REP+ sont situés dans des QPV.

[3] les « écoles orphelines » sont un exemple des limites inhérentes à une politique de labellisation: il s’agit d’écoles primaires, dont une majorité sont en QPV mais également une part dans les territoires ruraux, dont les élèves appartiennent à des milieux sociaux modestes mais qui ne bénéficient pas du label REP ou REP+ car le collège de rattachement de leur école présente des caractéristiques sociales plus mixtes.

[4] L’évitement se joue aussi en faveur d’un autre collège public via les demandes de dérogation à la carte scolaire.

[5] On notera que les Adjoints d’Education (AED), en tant qu’ils ne sont pas des agents de l’éducation nationale mais des contractuels, ne bénéficient pas d’une prime alors même qu’ils jouent souvent un rôle central dans l’accueil des élèves (et des parents) et dans la gestion du climat scolaire.

[6] Du moins si l’on ne décompte que les formations budgétées et valorisées comme telles.

Ariane Azéma

Inspectrice Générale de l’Education Nationale, agrégée d'histoire

Pierre Mathiot

Politiste, Professeur Sciences Po Lille

Notes

[1] Au total de la Métropole et des DOM, 6689 écoles et 1094 collèges relèvent de l’éducation prioritaire. Cela représente un total de 1,2 millions d’élèves du 1er degré, 550.000 collégiens et 100.000 enseignants. Pour la seule Métropole, 13,4% des écoles et 18% des élèves sont concernés. Les chiffres sont respectivement de 18,9% et 18,8% pour les collèges.

[2] 76% des écoles et 87% des collèges REP+ sont situés dans des QPV.

[3] les « écoles orphelines » sont un exemple des limites inhérentes à une politique de labellisation: il s’agit d’écoles primaires, dont une majorité sont en QPV mais également une part dans les territoires ruraux, dont les élèves appartiennent à des milieux sociaux modestes mais qui ne bénéficient pas du label REP ou REP+ car le collège de rattachement de leur école présente des caractéristiques sociales plus mixtes.

[4] L’évitement se joue aussi en faveur d’un autre collège public via les demandes de dérogation à la carte scolaire.

[5] On notera que les Adjoints d’Education (AED), en tant qu’ils ne sont pas des agents de l’éducation nationale mais des contractuels, ne bénéficient pas d’une prime alors même qu’ils jouent souvent un rôle central dans l’accueil des élèves (et des parents) et dans la gestion du climat scolaire.

[6] Du moins si l’on ne décompte que les formations budgétées et valorisées comme telles.