Crise de la parole, maladie de la langue
Crise de la parole
« Nous vivons une crise de la parole autant qu’une crise économique. »
« La parole publique a perdu sa valeur. »
« Nous sommes de plus en plus confrontés à une bande sonore préenregistrée qui déroule des réponses avant même que nous formulions des questions. »
« Avec nos gilets jaunes, nous reprenons la parole, nous qui ne l’avons jamais. »
On a constamment parlé de parole, depuis le début du mouvement des Gilets jaunes. À force d’avoir trop enduré une parole politique dégradée et dégradante, il s’agissait pour une partie du groupe social peu écoutée car peu revendicatrice de reprendre la parole et ce directement, sans médiations. Par ricochet, la discussion renaissait sur les ronds-points, où la solitude laissait place à la sollicitude ; révélant par contraste à quel point les échanges avec toutes sortes de machines, caisses automatiques, boites vocales et numéros payants avaient fini par causer un léger déficit relationnel. Une camaraderie nouvelle y remédiait, épaulée par le sens pratique qu’il faut pour créer un climat propice aux échanges en plein hiver, sur les lieux les moins hospitaliers qui soient.
Or cette question de la parole, on ne peut en prendre la mesure sans creuser plus profond en dessous, pour aller voir de plus près l’état de la langue à partir de laquelle elle s’énonce. Puisque la parole est l’actualisation, la mise en œuvre adaptée à chaque situation particulière du système de signes commun qu’est la langue, on ne peut évoquer la crise aigüe de la parole sans s’installer un moment au chevet de la langue, et de la maladie qui la touche.
Performance en gilets jaunes et mauvais théâtre présidentiel : c’est la crise dans la représentation
Petit détour d’abord par le mois de décembre 2018, où deux discours furent intéressants à comparer en matière de prise de parole publique justement : celui d’Emmanuel Macron à la télévision le 10 décembre 2018, et celui, collectif, des Gilets jaunes de Commercy le 29 décembre dans un