Une politique étrangère américaine en miettes
L’assassinat illégal du général iranien Qassem Soleimani a rouvert la boite de pandore des pathologies américaines en matière de politique étrangère. À l’heure où démarre au Sénat le procès d’impeachment de Donald Trump, les Démocrates accusent l’administration d’avoir recouru à l’une des plus vieilles ruses de l’histoire : faire oublier un ennui domestique par une aventure militaire étrangère. Sans surprise, les Trumpistes appellent de leur côté à se réunir autour du drapeau national. La tentative de réimposer le pouvoir du Congrès américain sur les questions de guerre et de paix, par une résolution votée à la chambre de représentants, frappe quant à elle par son inconséquence tardive.

Il serait toutefois trop facile d’imputer cette crise aux humeurs de Trump, ce serait ignorer le climat intellectuel qui règne dans les couloirs de Washington et dans les salles de rédaction étatsuniennes. Climat parfaitement exprimé par les titres des essais récents des mandarins de la géopolitique américaine, tel l’essai de Robert Kagan, The Jungle Grows. Back America and Our Imperiled World (« La jungle est de retour : L’Amérique et notre monde en péril », non traduit). Pour le politologue néoconservateur, la seule chose qui nous sépare de 1938 et des accords de Munich – la référence à l’apaisement pour expliquer le rapport aux ennemis du monde occidental étant la sine qua non de la légitimé intellectuelle – ce serait le déploiement franc et sans scrupules du pouvoir militaire américain.
Cette affaire iranienne – certes exceptionnelle du fait de l’importance de Soleimani dans la hiérarchie politique de l’Iran et du fait qu’elle nous éloigne encore plus de l’ouverture diplomatique amorcée en 2015 – révèle donc, malgré ce que l’on aimerait croire, une pratique devenue banale : la présidentialisation du pouvoir militaire.
Ce que reprochent les éditorialistes du New York Times au président Trump, ce n’est pas tant le principe selon lequel les États-Unis devraient intervenir militaire