Éducation

La suppression du CNU n’est pas une mesure néo-libérale

Sociologue

Contrairement à ce qu’on entend trop souvent, le Conseil national des universités ne protège en rien le statut de la fonction publique des enseignants-chercheurs pas plus qu’il ne garantit, mieux que d’autres dispositifs, la qualité des dossiers de candidature. Sa suppression permettrait au contraire de repenser les régulations professionnelles, de les rendre plus en phase avec les évolutions récentes sans pour autant renoncer ni au statut de la fonction publique, ni à la gestion des pairs par les pairs.

Proposer la suppression du Conseil national des universités (CNU) est souvent considéré comme une hérésie par beaucoup d’universitaires français. Pourtant, plusieurs des craintes que cela suscite sont infondées car cela fait déjà plusieurs décennies que le CNU n’est plus l’instance de contrôle d’une profession universitaire régulée par des concours nationaux, sans que cela porte atteinte au statut de la fonction publique ou soit la cause de l’accroissement de la compétition.

Comme le montre très bien les travaux d’Emmanuelle Picard, la régulation de notre profession universitaire a longtemps été caractérisée par un contrôle de l’accès et du déroulement des carrières par une instance nationale, aujourd’hui appelée CNU mais qui a connu beaucoup d’autres appellations depuis son ancêtre créé au début du XIXème siècle.

À travers l’inscription sur des listes d’aptitude (qui permettaient de se porter candidats) et la possibilité de modifier ou de refuser les propositions de classements émanant du niveau local, les recrutements ont longtemps fonctionné comme un concours national pour lequel les postes ouverts étaient considérés comme équivalents. Autrement dit, les établissements n’étaient pas censés avoir des besoins spécifiques ou rechercher des profils particuliers : un poste était égal à un autre poste, même si les postes parisiens étaient en général plus prestigieux et accessibles seulement en fin de carrière pour les professeurs.

Depuis les décrets de 1984 qui définissent le statut d’enseignant-chercheur tel qu’on le connaît aujourd’hui et qui a été en partie modifié par les décrets de 2009, mais surtout depuis la réforme de 1992 qui a retiré au CNU sa capacité de contrôle sur les classements mais lui a donné la possibilité de décider si un docteur est qualifié (selon l’expression consacrée) ou non à se présenter sur les postes ouverts, s’est opérée une transition de concours nationaux vers un marché du travail. L’existence du CNU ne l’a en rien empêchée. De ce point


Christine Musselin

Sociologue, Directrice de recherche au CNRS