Quand la soif de justice environnementale se retourne contre la protection de l’environnement
En réponse à la crise des gilets jaunes, le président de la République a organisé une Conférence Citoyenne pour le Climat chargée de proposer des solutions acceptables à la crise environnementale. Mais cette conférence n’est-elle pas un simulacre plutôt que la démocratie retrouvée ? L’une de ses propositions phares, la création d’un crime d’écocide dans notre droit pénal, n’empêche pas la régression de notre droit environnemental consacrée par la loi ASAP (accélération et simplification de l’action publique).
Quant à la proposition de réviser, une fois encore, notre Constitution, faite par cette conférence, elle ne pouvait pas mieux tomber pour le pouvoir exécutif. Les juges ne pourront pas se substituer au peuple pour assurer notre futur. Seule la délibération démocratique dans un cadre réinventé nous permettra de trouver et de mettre en œuvre des solutions aux crises environnementale, sociale et économique que nous traversons.
La tentation de mettre les sociétés en pilotage automatique
Nous vivons un lent processus d’enfermement de nos sociétés dans un ensemble de règles juridiques toujours plus précises, nombreuses, ne laissant plus de place à la délibération et aux choix collectifs des citoyens, et instaurant à leur place une sorte de pilotage automatique de nos vies sous le contrôle de juges – dans le meilleur des cas – ou d’autorités indépendantes – dans le pire des cas – ne rendant de comptes à personne.
Ce processus est presque achevé s’agissant de la politique économique. Les gouvernements européens ne peuvent plus intervenir sur la politique monétaire, désormais conduite en toute indépendance par la Banque centrale européenne.
Ils sont autorisés à s’affranchir des règles budgétaires européennes lorsque survient une crise d’une ampleur exceptionnelle, comme en 2008 – crise financière – ou en 2020 – crise sanitaire. Mais c’est pour être rapidement rappelés à l’ordre lorsque la crise s’éloigne. Alors reviennent les examens des budgets nationaux par les instances de l’Union européenne et les recommandations adressées aux gouvernementx, auxquelles ils devront se soumettre sous peine de sanctions financières « automatiques ».
Les politiques de préservation de l’environnement et de lutte contre le changement climatique sont l’objet d’une même passion de la réglementation, de la sanction, et de la restriction des possibilités de délibération démocratique que les politiques économiques.
La conférence citoyenne pour le climat : démocratie retrouvée ou simulacre ?
Emmanuel Macron a annoncé, en avril 2019, en conclusion du « Grand débat » qu’il avait lancé pour mettre fin à la crise des gilets jaunes, l’organisation d’une Conférence Citoyenne pour le Climat. Elle a été constituée en octobre 2019, par tirage au sort de 150 citoyens auxquels il était demandé de « définir des mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990 ».
Les efforts des gouvernements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sont engagés depuis 1992 et la signature à Rio, dans le cadre des Nations Unies, d’une convention internationale de lutte contre le changement climatique. Depuis lors, 24 conférences des pays signataires de cette convention, les fameuses « COP », ont été réunies et de nombreux textes additionnels à la convention ont été adoptés. Les objectifs fixés n’ont pas été atteints dans beaucoup de pays, ils ne l’ont pas toujours été en France non plus.
On peut se demander comment un groupe de citoyens tirés au sort pourrait trouver en quelques mois les solutions qui n’ont pas été trouvées par des milliers d’hommes et de femmes politiques, de fonctionnaires, de chercheurs et d’entrepreneurs en 30 ans ?
On peut aussi se demander quelle est la légitimité de ces 150 citoyens à faire des propositions que le président de la République s’était engagé à reprendre « sans filtre » pour les transformer en textes législatifs, réglementaires, ou en actions administratives ?
Les députés et les sénateurs, les élus locaux, les responsables d’administration, les centres de recherche, les organisations non-gouvernementales et les institutions spécialisées de toute nature ne méritent-ils pas tout autant d’être entendus et respectés que ces 150 citoyens dont la légitimité résulte essentiellement du calendrier politique du président de la République ?
D’autant qu’il me semble exister un problème originel dans l’organisation de ce type de conférences. C’est le gouvernement qui décide de leur création, au moment où cela lui rend service dans son calendrier politique. Il en définit le cadre de travail. Il pose la question à laquelle la conférence doit répondre. La conférence pour le climat n’a pas fait exception. Par ailleurs, alors qu’un gouvernement, un parlement, un responsable d’administration doit traiter les différents sujets dont il a à connaître en prenant en compte l’impact de ses décisions sur l’ensemble de la gestion des affaires publiques, les conférences citoyennes ne doivent répondre qu’à une question et n’ont ni le temps ni les moyens de mesurer l’impact de leurs propositions sur la marche d’ensemble des politiques publiques.
La Conférence Citoyenne pour le Climat a présenté 149 propositions de nature très diverse, transformées en un projet de loi de 65 articles qui vient d’être transmis par le gouvernement au Conseil national de la transition écologique. Certaines de ces propositions relèvent de la simple déclaration d’intention comme : « inciter à utiliser des moyens de transport doux et partagés, » ou bien généraliser les mesures tarifaires attractives pour l’usage du train.
Comme nos lois sont de plus en plus bavardes et constituent trop souvent des déclarations d’intentions plutôt que l’énoncé de droit et d’interdictions, ce qu’elles devraient être, nos assemblées adopteront sans doute un ensemble de dispositions creuses, qui contribueront à l’inflation législative dont nous souffrons, mais vaudront témoignage de l’engagement du gouvernement en faveur de l’environnement à peu de distance de l’élection présidentielle.
La « Conférence Citoyenne pour le Climat » a aussi proposé un grand nombre d’interdictions ou d’obligations, par exemple : « contraindre les propriétaires occupants et bailleurs à rénover de manière globale d’ici à 2040 leur logement », « obliger le changement des chaudières au fioul et à charbon d’ici à 2030 dans le neuf et le rénové » et beaucoup d’autres encore dont l’impact sur chacun d’entre nous mériterait d’être bien évalué avant de les transformer en lois ou en décrets.
La création d’un crime d’écocide sera sans conséquence, tandis que la loi ASAP consacre un véritable recul du droit de l’environnement
Parmi les propositions de la Conférence Citoyenne pour le Climat, celle « d’adopter une loi qui pénalise le crime d’écocide pour sauvegarder les écosystèmes » a fait particulièrement débat. Cette proposition n’est pas nouvelle et le Parlement français a déjà rejeté à deux reprises la création d’un crime d’écocide dans notre droit pénal. Il avait de bons arguments pour cela, en particulier le fait qu’il n’y a pas de crime sans intention de le commettre dans notre droit pénal. Du coup, il sera difficile de définir le moment auquel une atteinte à l’environnement se transforme d’un simple délit en un crime.
La conférence citoyenne proposait de qualifier de crime « les atteintes aux écosystèmes dépassant les limites planétaires ». Ces limites n’étant pas connues et définies aujourd’hui, la même conférence proposait la création d’une « Haute Autorité des limites planétaires » qui serait chargée de fixer les seuils auxquels les juges pourraient se référer pour condamner les criminels.
Cette proposition d’ajouter une nouvelle institution à un appareil bureaucratique qui n’en manque déjà pas, entre l’Office Français de la Biodiversité, le Haut conseil pour le climat, l’Autorité Environnementale, le Conseil national de la transition écologique et beaucoup d’autres si l’on voulait être exhaustif, n’a pas été retenue pour le moment par le gouvernement. En revanche, l’article 65 de son projet de loi est consacré au crime d’écocide qui fera donc son entrée dans notre droit pénal si le Parlement adopte cette loi. Le juge devra alors déterminer l’intentionnalité des atteintes portées à l’environnement, ce qui sera plus compliqué qu’on ne peut le penser. Les auteurs des atteintes aux écosystèmes sont le plus souvent des personnes morales, des sociétés qui ne peuvent être mises en prison. Seuls pourront l’être leurs dirigeants, à condition de démontrer leur implication et leur intentionnalité.
En bref, cette disposition, si elle est adoptée, constituera une victoire politique symbolique pour les militants écologistes et les associations. Mais sa portée réelle, en termes de protection de l’environnement, sera très limitée.
Des mécanismes de pénalisation des atteintes aux écosystèmes existent déjà. Ils sont rarement mis en œuvre non pas en raison de la mauvaise volonté des juges, mais de la complexité des affaires. Il serait plus efficace de spécialiser des juges dans les contentieux de l’environnement qu’ils connaissent souvent mal, afin de les rendre plus efficaces dans le traitement de ces affaires, de recruter des magistrats et de leur donner les moyens de travailler. Mais cela, c’est beaucoup plus difficile et coûteux que d’adopter un texte de loi, et chacun aura compris que nous sommes dans une lutte symbolique et politique dont les protagonistes se soucient peu des résultats concrets.
La célébration de cette grande victoire permettra d’oublier que la loi ASAP (« accélération et simplification de l’action publique »), voulue par Emmanuel Macron et qui vient d’être adoptée, rend moins contraignante la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, permet aux préfets de remplacer des enquêtes publiques par des consultations électroniques, ainsi que d’autoriser l’exécution anticipée de travaux de construction avant que l’autorisation environnementale ait été délivrée. Bref, sous couvert de simplification, la loi ASAP est un véritable recul par rapport à la législation environnementale existante avant 2020. Comprenne qui pourra…
Une nouvelle révision de la constitution, bien inutile…
Pendant qu’il détricotait le droit de l’environnement, le gouvernement a adopté un projet de loi constitutionnelle modifiant l’article premier de notre Constitution, ainsi rédigé : « [La France] garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique. »
Le Conseil d’État a rendu un avis très critique sur cette proposition. Il rappelle dans son premier considérant qu’il est saisi pour la troisième fois en un peu plus de trois années d’un projet de réforme constitutionnelle portant sur la question environnementale. Il rappelle également que la protection de l’environnement a déjà valeur constitutionnelle depuis que la mention en est faite dans le préambule de la Constitution. C’est une façon de dire que cette révision de la Constitution est inutile.
On pourrait ajouter que la Constitution de 1958, dont on ne cesse de nous rappeler qu’elle a instauré un régime politique stable et durable, a été modifiée 24 fois depuis 1958 et que son texte actuel n’a plus grand-chose à voir avec celui qui avait été adopté par référendum en 1958.
Non seulement le texte de la Constitution a été modifié à de très nombreuses reprises, mais le Conseil constitutionnel n’a pas cessé d’élargir le « bloc de constitutionnalité », d’abord en rendant ses décisions non seulement au regard du texte de la Constitution mais en prenant en compte des principes consacrés par d’autres textes : la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, le préambule de la Constitution de 1946, plus récemment la charte de l’environnement. Il ne s’est pas arrêté là et a progressivement consacré un certain nombre de principes comme ayant une valeur constitutionnelle (principe de continuité de l’État et du service public, liberté d’entreprendre, liberté d’aller et de venir, liberté personnelle du salarié, sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation, inamovibilité des magistrats du siège, principe du pollueur-payeur, fraternité).
Et comme il devenait difficile de concilier entre eux ces différents « principes à valeur constitutionnelle », le même Conseil constitutionnel a inventé des « objectifs à valeur constitutionnelle » comme l’objectif de sauvegarde de l’ordre public, la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent, l’accessibilité et l’intelligibilité du droit, la lutte contre la fraude fiscale, le bon emploi des deniers publics, la bonne administration de la justice, la protection de la santé, la protection de l’environnement, etc.
Ces « objectifs de valeur constitutionnelle » doivent permettre au juge constitutionnel de hiérarchiser en quelque sorte les principes de valeur constitutionnelle en assurant la cohérence entre eux. En élargissant ainsi le référentiel à l’intérieur duquel il rend ses décisions, le Conseil constitutionnel a renforcé progressivement son pouvoir sur le législateur.
Les pouvoirs de ce malheureux législateur ne sont pas simplement limités par le contrôle du Conseil constitutionnel, mais également par le développement d’un droit européen. La Cour de justice de l’Union européenne a décidé par un arrêt de 1963, Van Gend en Loos, que les traités européens s’appliquaient directement aux citoyens des États membres, renversant l’ordre juridique traditionnel dans lequel un traité n’entrait en vigueur qu’après sa validation par le Parlement national. En 1964, l’arrêt Costa contre Enel a considéré que désormais les règles juridiques européennes supplantaient le droit national y compris les constitutions.
Les gouvernements n’ont pas protesté, ni les parlements nationaux. Le Conseil constitutionnel français, puis le Conseil d’État, après avoir traîné des pieds ont fini par s’incliner. Ainsi, les directives sont-elles transposées en droit français après une approbation par le parlement, généralement sans débat. Lorsqu’une norme européenne est contraire à la Constitution, nous modifions notre Constitution, là encore sans que cela ne suscite de grands débats.
S’agissant du dernier projet de loi de réforme constitutionnelle, le conseil d’État attire l’attention du gouvernement sur les dangers qu’il comporte pour lui. En effet, en indiquant que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la biodiversité et lutte contre le changement climatique », la Constitution ouvrira aux citoyens la possibilité d’exiger du gouvernement les résultats de cette garantie. Les formulations antérieures, y compris dans la charte de l’environnement, étaient moins prétentieuses et se contentaient d’indiquer que les pouvoirs publics « favorisaient » ou « concouraient » à l’action de préservation de l’environnement.
En imposant aux pouvoirs publics une obligation de résultat dans ce domaine, le droit ouvre un champ de contentieux considérable. D’ores et déjà, une commune du littoral du Nord de la France, la commune de Grande-Synthe, a saisi le Conseil d’État d’un recours pour inaction climatique, le maire considérant que les mesures permettant une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre n’avaient pas été prises par le gouvernement. Le Conseil d’État a déclaré cette action recevable et a demandé au gouvernement des éléments d’information lui permettant de décider si les mesures prises avaient été, oui ou non, suffisantes.
Une mise en cause de la responsabilité du gouvernement sans proportion avec la capacité d’agir contre le changement climatique
On est en pleine absurdité à de nombreux égards. D’abord parce que la contribution de l’action du gouvernement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre est assez difficile à évaluer. Ainsi, l’institut Rexcode a publié, le 18 janvier dernier, une étude dans laquelle il considère que la France est bien partie pour respecter ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il indique que la récession économique consécutive à l’épidémie de Covid-19 explique pour 70 % la forte baisse prévisionnelle des émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines années. Faut-il considérer que le gouvernement dès lors a fait son travail ? Féliciter le virus pour ces résultats ? Exiger que le gouvernement se fixe de nouveaux objectifs plus ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
Le Conseil d’État explique l’accueil favorable qu’il a réservé à la plainte de la commune de Grande-Synthe par le fait qu’elle est particulièrement exposée aux effets du changement climatique, s’agissant d’une commune littorale.
Il n’est pas hors de propos de rappeler que la France compte pour 0,9% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Nous ne sommes décidément qu’une puissance moyenne… L’Union européenne à 27 représente 8,1 % des émissions mondiales, tandis que la Chine en représente 30 %, l’Amérique du Nord 16 % et l’Inde 7 %.
L’impact de l’action ou de l’inaction du gouvernement français sur le sort des communes littorales françaises, dans un contexte d’augmentation mondiale des émissions de gaz à effet de serre, est dérisoire. Cela ne signifie pas qu’elle ne doit pas être menée, mais la responsabilité du gouvernement français doit être proportionnée à sa contribution au problème et au bénéfice que la population peut tirer de son action. De plus, cette action n’a de sens que si elle est coordonnée avec les efforts conduits dans le reste du monde. Poursuivre pénalement tel ou tel responsable français, ou condamner administrativement le gouvernement n’a aucun sens dans ce contexte.
Les juges ne peuvent pas arrêter les choix collectifs à la place des peuples et de leurs représentants
Il n’est pas question de contester la nécessité d’une action de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais les pouvoirs publics la conduisent en tenant compte de toutes les dimensions de la situation économique et sociale du moment. Faut-il condamner pénalement Emmanuel Macron parce qu’il a reculé devant les gilets jaunes, c’est-à-dire respecté l’opposition d’une partie significative de la population à sa politique ? Quel serait le sens d’une telle condamnation ? Faut-il infliger une amende administrative à Édouard Philippe pour n’avoir pas poursuivi l’augmentation prévue de la fiscalité sur les carburants ?
L’action climatique est importante, mais elle n’est pas supérieure à d’autres impératifs. Le Conseil constitutionnel a été confronté lui-même aux difficultés qu’il a créées en multipliant les principes à valeur constitutionnelle. Comment concilier par exemple le droit de chacun à disposer d’un logement décent et la lutte contre le changement climatique, alors que l’une des principales sources d’émission de gaz à effet de serre, à côté des transports, est la construction de logements ? Faut-il arrêter de construire des logements pour limiter les émissions de gaz à effet de serre ?
La consommation de « biogaz », c’est-à-dire de gaz obtenu par la dégradation biologique de matières organiques, est infiniment préférable, du point de vue des émissions de GES, à la consommation du gaz naturel fossile que nous utilisons depuis des décennies. Mais la production de biogaz n’est pas non plus sans inconvénient. Par exemple, la production d’électricité avec du biogaz coûte beaucoup plus cher que tous les autres modes de production d’électricité et la différence ne peut être comblée que par des subventions publiques. Or le Conseil constitutionnel considère que la bonne gestion des deniers publics fait partie des « objectifs à valeur constitutionnelle ». S’il est beaucoup moins cher de subventionner la production d’électricité d’origine éolienne ou solaire, subventionner le biogaz n’est pas forcément un bon usage de l’argent public. Il faut donc concilier deux objectifs contradictoires ayant tous les deux une valeur constitutionnelle.
Des questions de cette nature ne devraient-elles pas être plutôt tranchées par une décision des citoyens, par leurs représentants ou directement, plutôt que par un juge ?
Le groupement « l’affaire du siècle », constitué de quatre ONG (Notre affaire à tous, Greenpeace France, Oxfam France et la Fondation Nicolas-Hulot), a saisi le tribunal administratif de Paris et obtenu que celui-ci condamne l’État pour inaction climatique le 3 février dernier. Il devra verser un euro symbolique pour indemniser le préjudice moral subi par les associations requérantes, le retard de l’action publique par rapport au calendrier de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’a donc pas été considéré comme justifié. Le tribunal donne deux mois au gouvernement avant de se prononcer sur l’injonction à agir qu’avaient également demandé les associations.
Rien ne peut remplacer la délibération démocratique pour trouver des solutions à la crise sociale, environnementale et économique que nous traversons
Les émissions de gaz à effet de serre ont des causes extrêmement nombreuses. La cause première, c’est l’existence d’êtres humains sur la Terre. La croissance démographique et la consommation de ressources qu’elle entraîne est le principal facteur de dégradation des écosystèmes. La population est passée de 2 milliards à 7,6 milliards d’êtres humains entre 1950 et 2017. Nous pourrions être 11,2 milliards en 2100. L’Afrique comptera pour la moitié de la croissance de la population d’ici à 2050 et 85 % d’ici à 2100.
Depuis le milieu des années 1970 jusqu’à la fin des années 1990, les émissions de CO2 par habitant sont restées stables grâce à leur diminution en Amérique du Nord, leur stabilité en Europe et une augmentation modérée en Asie, pourtant les émissions annuelles totales de CO2 sont passées de 14 à 20 milliards de tonnes. La croissance démographique est la principale raison de l’augmentation des émissions pendant cette période. Les perspectives démographiques laissent penser que même si nous continuons à progresser dans la réduction des émissions individuelles de GES, les émissions globales ont de fortes chances de continuer à augmenter.
Faut-il que les gouvernements imposent un quota d’enfants par famille ? Un budget carbone individuel ? Et quels seront alors les moyens de contrôler le respect de ce quota et les sanctions prises en cas de dépassement du quota autorisé ? Toutes ces questions sont vertigineuses et ne peuvent assurément pas être réglées par la seule voie du droit et de décisions de la justice pénale ou administrative. Les solutions ne pourront être trouvées que lentement, péniblement, par le débat démocratique à l’intérieur des nations et dans les enceintes internationales.
Les associations qui réclament sans cesse plus de lois, de réglementations et de sanctions, entretiennent l’idée fausse que la solution est à portée de main, et que si nous ne l’atteignons pas c’est en raison de l’inconséquence de quelques-uns ou de l’irresponsabilité des dirigeants politiques qu’il suffirait de sanctionner pour régler le problème.
Si elles avaient raison nous pourrions espérer avoir vite réglé le problème. Mais elles ont tort et leurs actions ne font que retarder la délibération politique nécessaire sur les voies et moyens qui nous permettront de sortir de la crise sanitaire, environnementale, sociale et économique dans laquelle nous nous trouvons.
La démocratie n’est pas le problème, elle est la solution.