Justice

Tentative de perquisition à Mediapart : les voies du parquet de Paris sont impénétrables

Juriste

Comment expliquer que le 4 février dernier, à 11h10, deux magistrats du parquet de Paris, accompagnés de trois fonctionnaires de police, aient pu se présenter à la rédaction de Mediapart pour y opérer une perquisition ? Analyse juridique avec hypothèses politiques à la clé.

Le 4 février dernier, à 11h10, deux magistrats du parquet de Paris, accompagnés de trois fonctionnaires de police, se sont présentés à la rédaction du site d’information Mediapart pour y opérer une perquisition. Ils cherchaient à saisir un enregistrement contenant des informations embarrassantes pour la Présidence de la République, qui avait été rendu public par ce média quatre jours auparavant.

Cet acte s’inscrit dans le cadre d’une enquête préliminaire initiée par le procureur de la République de Paris, à la suite de la transmission par les services du Premier ministre « d’éléments» relatifs aux « conditions d’enregistrement» de ce document sonore. La qualification des faits retenue par le parquet consiste dans l’atteinte à la vie privée (articles 226-1 et 226-2 du code pénal) et dans la détention illicite d’appareils ou de dispositifs techniques de nature à permettre la réalisation d’interception de télécommunications ou de conversations (article 226-3 du même code).

Mediapart ayant, jusqu’à preuve du contraire, une déontologie plus exigeante que celle de News of the World, l’hypothèse peut être soutenue que ce cumul est justifié, d’une part, par l’impossibilité pour le ministère public d’agir d’initiative en matière d’atteinte à la vie privée (article 226-6 du code pénal) et, d’autre part, par le souci de se ménager la possibilité de recourir ultérieurement à une perquisition coercitive, dès lors que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser une perquisition en enquête préliminaire sans le consentement de la personne chez qui elle intervient que lorsque l’infraction suspectée est au moins punie de cinq ans d’emprisonnement (article 76 du code de procédure pénale).

Les enregistrements ont finalement été transmis le même jour, par la rédaction de Mediapart, au juge d’instruction en charge de l’information judiciaire relative à un autre volet de l’affaire Benalla : les faits de violences perpétrés le 1er mai place de la Contrescarpe. La direction du site d’information avait, en effet, donné, dès le 1er février, son accord pour déférer à la réquisition du magistrat instructeur.

L’initiative du procureur de la République de Paris heurte a priori la raison. La perquisition des locaux d’un média, parce qu’elle est attentatoire à la liberté de la presse, doit demeurer exceptionnelle dans une démocratie libérale, a fortiori lorsqu’elle intervient lors d’une procédure qui implique l’exécutif. Le ministère public parisien avait déjà, en 2007, été éconduit par des journalistes lors d’une opération similaire dans les locaux du Canard enchaîné. En outre, la France a, ces dernières années, connu l’opprobre de condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme à raison de telles ingérences dans les droits conventionnels des journalistes.

Cela autorise à considérer que la décision en l’espèce a, certes, été précipitée mais qu’elle n’est probablement pas le résultat d’un quelconque dilettantisme. Les explications fournies par la ministre de la justice à la représentation nationale n’appellent guère de commentaires ; contentons-nous de relever qu’elles semblent n’avoir convaincu que les thuriféraires de l’exécutif. Curieusement, peu de commentateurs ont envisagé que cette perquisition pût être bien fondée juridiquement, les analystes oscillant entre l’évocation d’un comportement irrationnel induit par la panique et l’imputation à l’autorité publique de noirs desseins symptomatiques d’une dérive autoritaire.

Pourtant, le droit octroyé aux journalistes de protéger leurs sources n’est pas absolu. Il convient donc de vérifier si, en l’espèce, les juges pouvaient légalement agir comme ils ont cherché à le faire. La réponse n’est pas évidente ; mais, quelle qu’elle soit, pareille attitude est délétère pour la démocratie en ce qu’elle révèle du fonctionnement de la justice pénale dans les affaires « sensibles ».

Les journalistes peuvent refuser de déférer aux réquisitions de communiquer les informations dont ils disposent sans s’exposer à une sanction pénale.

L’appréciation de la légalité de la tentative de perquisition dans les locaux de Mediapart implique de rappeler succinctement, d’abord, les règles qui gouvernent la protection des sources des journalistes, ensuite, les dispositions qui régissent les perquisitions dans les locaux d’entreprises de presse.

Aux termes de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, tel qu’il résulte de la loi n°2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes, « le secret des sources des journalistes est protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public. […]. Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources. […]. Au cours d’une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l’atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ».

Il en découle de nombreuses restrictions aux pouvoirs des autorités d’enquête et de poursuites. Ainsi, les journalistes peuvent refuser de déférer aux réquisitions de communiquer les informations dont ils disposent sans s’exposer à une sanction pénale, et ce, quel que soit le régime juridique sous lequel s’opèrent les investigations (articles 60-1, 77-1-1 et 99-3 du code de procédure pénale). De même, lorsque le juge d’instruction transcrit des écoutes téléphoniques, il lui est interdit, à peine de nullité, de reproduire les « correspondances avec un journaliste permettant d’identifier une source » (article 100-5 du même code). Enfin, lorsqu’un journaliste est entendu comme témoin par une juridiction pénale « sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité », il dispose de « la faculté […] de ne pas en révéler l’origine » (articles 326 et 437 du même code).

Si cette protection est considérable, le Conseil constitutionnel a néanmoins eu l’occasion d’en préciser les limites. Dans sa décision n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016, il censure l’article relatif à la protection des sources des journalistes aux motifs que, le législateur ayant « subordonné, en toute hypothèse, l’atteinte au secret des sources, en matière délictuelle, à une exigence de prévention » et « ainsi exclu qu’il soit porté atteinte à ce secret aux fins de répression » et « interdit […] des poursuites pour recel de violation du secret professionnel et pour atteinte à l’intimité de la vie privée » ou «  pour recel de violation du secret de l’enquête et de l’instruction », il n’a pas « assuré une conciliation équilibrée entre, d’une part, la liberté d’expression et de communication et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances », ni « une conciliation équilibrée entre cette même liberté et les exigences inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, la recherche des auteurs d’infractions et la prévention des atteintes à l’ordre public nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle ».

En outre, en cette matière, les exigences légales ne peuvent être appréhendées qu’à la lumière des prescriptions du droit international et, plus particulièrement, de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Aux termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la confidentialité des sources journalistiques bénéficie d’une protection extrêmement étendue, dès lors qu’elle constitue « l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse », cette dernière étant elle-même considérée comme « le chien de garde de la démocratie ».

Or, il résulte de cette jurisprudence que les magistrats ne peuvent exiger des journalistes qu’ils coopèrent à l’œuvre de justice que lorsque cela « se justifie par un impératif prépondérant d’intérêt public » et uniquement lorsque l’injonction qui leur est faite constitue « un moyen raisonnablement proportionné à la poursuite du but légitime visé » (CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c/ Royaume-Uni et CEDH, 21 janvier 1999, Fressoz et Roire c/ France). Selon les juges européens, « le droit des journalistes de taire leurs sources ne saurait être considéré comme un simple privilège qui pouvait leur être accordé ou retiré en fonction de la licéité ou de l’illicéité des sources, mais [constitue] un véritable attribut du droit à l’information » (CEDH, 27 novembre 2007, Tillack c. Belgique et CEDH, 16 juillet 2013, Nagla c. Lettonie).

Ce n’est donc qu’en matière de lutte contre des infractions particulièrement sérieuses que l’injonction des juridictions internes de remettre des informations susceptibles de dévoiler la source journalistique peut être considérée comme « une ingérence proportionnée dans la liberté d’expression du journaliste » ayant « poursuivi un objectif légitime » (CEDH, 8 décembre 2005, Nordisk Film & TV A/S c. Danemark – en matière de prévention de la pédophilie et, contra, CEDH, 22 novembre 2007, Voskuil c. Pays-Bas – en matière de trafic d’armes).

A propos du délit d’atteinte à la vie privée, dans l’arrêt CEDH, GC, 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi Associés c. France, les juges de Strasbourg considèrent que, pour vérifier si une publication portant atteinte à la vie privée d’autrui constitue également une information relative à une question d’intérêt général, il faut apprécier la publication dans son ensemble et le contexte dans lequel elle s’inscrit.

S’agissant des règles qui gouvernent les perquisitions dans des locaux d’entreprises de presse ou qui se rapportent à l’activité professionnelle d’un journaliste, l’article 56-2 du code de procédure pénale dispose que, « à peine de nullité », elles « ne peuvent être effectuées que par un magistrat », sur « décision écrite et motivée ». Surtout, le texte précise que « le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste, [et] ne portent pas atteinte au secret des sources ».

En matière d’enquête préliminaire, l’article 76 du même code prévoit que les perquisitions « ne peuvent être effectuées sans l’assentiment exprès de la personne chez laquelle l’opération a lieu », mais que « si les nécessités de l’enquête relative à un crime ou à un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans l’exigent […], le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, décider, par une décision écrite et motivée, que les opérations prévues au présent article seront effectuées sans l’assentiment de la personne chez qui elles ont lieu ».

A nouveau, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme permet d’éclairer les implications de ces dispositions. Il en résulte qu’une telle perquisition ne peut être ordonnée que si les autres moyens procéduraux dont disposent les autorités judiciaires sont inopérants pour assurer la répression ou la prévention des infractions (CEDH, 25 février 2003, Roemen et Schmitt c. Luxembourg), ce y compris dans les affaires sensibles (CEDH, 15 juillet 2003, Ernst et autres c. Belgique et CEDH, 12 avril 2012, Martin et autres c. France).

En conséquence, pour justifier leur ingérence, les autorités nationales doivent démontrer qu’une « balance équitable » entre la protection des sources journalistiques et la répression des infractions a été préservée et que la perquisition constituait un moyen proportionné à la poursuite du but légitime qu’elles poursuivaient. Faute d’avoir pu démontrer que cette exigence était satisfaite, la France a ainsi été condamnée à raison des perquisitions opérées dans les locaux de l’Equipe et du Point pour découvrir l’origine des fuites ayant affecté une enquête sur des soupçons de dopage (CEDH, 28 juin 2012, Ressiot et autres c. France).

Enfin, dès lors que l’information publiée s’intègre dans un débat relatif à une « question d’intérêt général », la perquisition ne sera considérée comme une ingérence licite dans le droit des journalistes de protéger leurs sources qu’à la condition qu’elle réponde à « un besoin social impérieux » (CEDH, 19 janvier 2016, Görmüş et autres c. Turquie), tel que permettre la prévention d’attentats terroristes (CEDH, 27 mai 2014, Stichting Ostade Blade c. Pays-Bas).

Un gouvernement qui laisse le ministère public alimenter par une action apparemment impulsive et peu compréhensible la chaudière complotiste.

Partant, la perquisition à laquelle les magistrats du parquet de Paris entendaient procéder n’est juridiquement fondée que dans la mesure où, d’une part, elle ne constituerait pas une ingérence injustifiée dans le droit des journalistes de protéger leur source et, d’autre part, dans la mesure où elle constituerait l’unique moyen de découvrir les auteurs d’une infraction portant une atteinte particulièrement grave à l’ordre public, voire de prévenir sa réitération. Il n’est pas évident que satisfasse à ces exigences l’atteinte à la vie privée de messieurs Benalla et Craze, a fortiori dès lors qu’il n’est pas contestable que l’information révélée alimentait un débat d’intérêt général ; de même, l’insinuation non étayée que les journalistes disposeraient d’outils sophistiqués leur permettant d’espionner des conversations n’est pas suffisante pour justifier pareille atteinte à la liberté de la presse.

Dès lors, de deux choses l’une : soit les magistrats étaient conscients de procéder à un acte d’investigation illicite et les seuls bénéficiaires de cette malencontreuse initiative sont, in fine, ceux qui prétendent que la justice (s’)est instrumentalisée à des fins politiques ; soit il existe des circonstances demeurées inconnues du public qui pourraient justifier la tentative de perquisition et, alors, les qualifications utilisées par le parquet de Paris pour diligenter cette enquête sont un leurre destiné à masquer la qualification appropriée de ces circonstances – hypothèse qui ne peut être exclue compte tenu de l’inhabituel signalement à parquet opéré par les services du Premier ministre et des éléments contenus dans la conversation divulguée, qui se rapportent à un contrat passé avec un dignitaire russe notoirement proche de groupes criminels, dans lequel l’ancien chargé de mission de la Présidence pourrait être impliqué.

Quelle que soit l’hypothèse exacte, il y a lieu de s’interroger sur la cohérence de l’action d’un gouvernement qui, d’un côté, fait adopter la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information et, de l’autre, laisse le ministère public alimenter par une action apparemment impulsive et peu compréhensible la chaudière complotiste. Cela peut légitimement inspirer quelques craintes, particulièrement aux journalistes.

L’hypothèse d’une tentative d’intimidation procèderait d’un hubris prétorien remarquable. On ne peut cependant l’exclure.

Même en faisant crédit au procureur de la République de Paris de la légalité de cette tentative de perquisition, la méthode choisie par le parquet parisien suscite d’autres interrogations.

En premier lieu, quelques éléments de contexte la rendent malaisée à interpréter. Il est en effet difficile d’imaginer que les magistrats qui se sont présentés à la rédaction de Mediapart ignoraient qu’à l’heure de leur intervention, le directeur de ce média comparaissait devant la 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris.

De même, sauf à devoir constater de regrettables lacunes dans la communication entre les magistrats du Tribunal de grande instance de Paris en charge d’affaires connexes sensibles, il est peu vraisemblable qu’ils n’aient pas eu connaissance de l’accord donné le 1er février, et réitéré le matin même par Médiapart de déférer à la réquisition judiciaire de remettre aux enquêteurs les enregistrements en possession de ses journalistes.

Il est aussi curieux que les magistrats n’aient pas procédé à l’audition des journalistes avant de décider d’opérer une perquisition des locaux de leur média. Enfin, bien qu’à la suite du refus de les laisser procéder qui leur a été opposé par les journalistes, les magistrats aient évoqué la possibilité d’obtenir d’un juge des libertés et de la détention l’autorisation de procéder à une perquisition coercitive, force est de constater que le ministère public parisien s’est, à ce jour, abstenu de recourir à cette possibilité.

S’agissant de ce dernier point, il a vraisemblablement été considéré que la transmission des enregistrements à la juridiction d’instruction privait d’intérêt toute démarche auprès du juge des libertés et de la détention, d’autant que le parquet a accès aux dossiers. Reste l’empressement à s’emparer des documents détenus par les journalistes avant qu’ils ne soient transmis à un juge indépendant.

L’hypothèse d’une possible destruction ou manipulation peut être exclue, ne serait-ce que parce que les journalistes ont certainement fait des copies. Celle d’une tentative d’intimidation procèderait d’un hubris prétorien remarquable dans la mesure où les journalistes de Mediapart et, plus encore, leur directeur, ont une solide expérience de résistance à la pression étatique. On ne peut cependant l’exclure. Il s’agit peut-être enfin d’un excès de zèle, la protection farouche des intérêts de l’Etat n’étant pas un ressort négligeable de l’action du parquet de Paris.

Le procureur de la République de Paris se voit dénier par la Cour européenne des droits de l’homme la qualité de magistrat à raison du lien de subordination qui l’unit au garde des Sceaux.

Cela conduit au dernier point qui nous semble devoir être évoqué : cette affaire met en cause l’attitude du procureur de la République de Paris. Quelques heures après les faits, le directeur de Mediapart s’est épanché sur la réticence soupçonneuse que lui inspire l’actuel titulaire du poste à raison de la procédure qui a conduit à sa nomination. La presse a en effet rapporté, sans être démentie, qu’alors que trois candidats avaient été pressentis par la Chancellerie, après une inhabituelle audition de ces derniers par le Premier ministre, un nouvel appel à candidature a été lancé qui a finalement conduit à la nomination de celui qui était alors directeur des affaires criminelles et des grâces de l’actuelle garde des Sceaux.

De même, son prédécesseur était, avant de prendre la tête du ministère public parisien, directeur de cabinet du ministre de la justice. Indéniablement, la sagesse des juges britanniques, qui postulent que « Not only must Justice be done ; it must also be seen to be done » (R v Sussex Justices, ex parte McCarthy [1924]), n’a pas franchi la Manche.

Comme ses homologues dans les autres tribunaux de grande instance, le procureur de la République de Paris se voit dénier par la Cour européenne des droits de l’homme la qualité de magistrat à raison du lien de subordination qui l’unit au garde des Sceaux et qui le prive de l’indépendance consubstantielle à la qualité de juge (CEDH, GC, 29 mars 2010, Medvedyev c. France). La loi du 25 juillet 2013, si elle a supprimé le pouvoir du ministre de la justice de donner des instructions aux procureurs dans les dossiers individuels, n’a pas pour autant atténué cette subordination ; le serment que prêtent les procureurs le rappelle.

Lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de Cassation, le 15 janvier 2018, le chef de l’Etat a affirmé sa volonté de maintenir une « chaîne hiérarchique » entre les magistrats du ministère public et le ministre de la Justice. De surcroit, la loi de 2013 a laissé subsister l’obligation faite aux parquetiers de tenir la Chancellerie informée des dossiers sensibles, les « affaires signalées » (Ministre de la justice, circulaire de présentation et d’application de la loi n°2013-669, 31 janvier 2014, CRIM/2014-2/E1, JUSD 1402885 C). Dans ces affaires, que des règles particulières d’attribution de la compétence concentrent entre ses mains, le parquet de Paris adopte souvent une attitude ambigüe (pour ne retenir que quelques exemples récents, citons les réticences manifestées dans l’affaire dite « des biens mal acquis », l’acharnement à préserver la qualification de terrorisme dans l’affaire dite « de Tarnac » ou l’indifférence apparente manifestée après la disparition de l’armoire forte dans l’appartement de M. Benalla).

Cela nuit à l’image de la justice en France et il ne faudra plus tarder à lever cette hypothèque, que ce soit par la création d’un « préfet de justice de Paris », ou par l’institution d’un ministère public qui n’inspirera plus que le respect dans les affaires ayant des implications politiques.


Olivier Cahn

Juriste, Professeur de droit pénal et sciences criminelles, Faculté de droit à l'Université de Tours ; chercheur à lIRJI