Politique

Marseille, l’élection introuvable

Politiste

L’absence de Jean-Claude Gaudin, maire depuis 25 ans, faisait des municipales à Marseille une élection particulièrement scrutée. Mais le décalage entre l’apparente ouverture de la configuration politique et l’étroitesse des propositions et visions tenues durant la campagne s’est révélé trop béant pour ne pas susciter d’interrogations. Le confinement a étiré les négociations et tractations, et demain la deuxième commune de France pourrait bien s’avérer ingouvernable.

L’élection municipale devait changer le visage de Marseille, tourner la page de vingt-cinq ans de gaudinisme, rompre avec plusieurs décennies d’abandon des services publics locaux, sanctionner les pratiques clientélistes et l’affairisme, pointer du doigt l’incurie, l’inconséquence et l’incompétence d’élu·e·s responsables, sinon coupables, des effondrements de la rue d’Aubagne et de la désastreuse gestion de la crise des délogé·e·s….[1]

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Cette élection n’a pas (encore) eu lieu. En cause, bien sûr, la crise sanitaire qui après avoir bouleversé les conditions d’organisation du premier tour a contraint au report du second, qui aura finalement lieu le 28 juin prochain, après de nombreuses tergiversations. Pour autant, des leçons peuvent être tirées de cette élection à nulle autre pareille et surtout de cette campagne qui elle non plus n’a pas eu lieu… mais pourrait s’avérer riche d’enseignements sur le pouvoir municipal et son agonie.

Une campagne qui n’a pas eu lieu ? En voilà une affirmation étrange, car comment la démontrer ? Et d’abord qu’est-ce qui fait une campagne, qu’est-ce qui la constitue[2] ? Si l’on s’en tient à la définition classique d’une campagne comme « mise en œuvre concurrentielle d’ensembles de pratiques, de techniques et de savoirs visant à solliciter le suffrage des électeurs, dans une séquence temporelle précédant le vote », celle-ci s’est bien tenue à Marseille comme dans les autres communes en amont du scrutin du 15 mars.

Pour autant, et sans doute en raison des attentes suscitées par la perspective d’une succession inédite, l’émergence de nouvelles plateformes politiques transcendant les organisations partisanes et favorisant un profond renouvellement du personnel politique, ainsi que le dimension dramatique du contexte (délabrement des écoles, rapport accablant de la Chambre régionale des comptes, enjeu de l’habitat indigne, etc.), le décalage entre l’apparente ouverture de la configuration politique et l’étroitesse des propositions e


[1] Merci à Camille Floderer et Julien Vinzent pour leur lecture bienveillante d’une première version de ce texte et qui ont grandement contribuer à l’améliorer.

[2] Baamara L., Floderer C., & Poirier M. (2013), « Conjuguer la campagne au pluriel », in Baamara L., Floderer C., & Poirier M. (dir.), Faire Campagne. Mobilisations électorales et pratiques politiques ordinaires, Paris, Karthala, pp. 7-24.

[3] Lefebvre, R. (2009) « La mobilisation électorale » in Cohen (A.), Lacroix (B.), Riutort (P.). Nouveau manuel de science politique. Paris, La Découverte.

[4] Ils avaient réalisé respectivement 26,3% et 13,6% moins d’un an auparavant, certes dans un tout autre scrutin, l’élection européenne.

Nicolas Maisetti

Politiste, Post-doc à l’Université Gustave-Eiffel. Chercheur contractuel au LATTS

Notes

[1] Merci à Camille Floderer et Julien Vinzent pour leur lecture bienveillante d’une première version de ce texte et qui ont grandement contribuer à l’améliorer.

[2] Baamara L., Floderer C., & Poirier M. (2013), « Conjuguer la campagne au pluriel », in Baamara L., Floderer C., & Poirier M. (dir.), Faire Campagne. Mobilisations électorales et pratiques politiques ordinaires, Paris, Karthala, pp. 7-24.

[3] Lefebvre, R. (2009) « La mobilisation électorale » in Cohen (A.), Lacroix (B.), Riutort (P.). Nouveau manuel de science politique. Paris, La Découverte.

[4] Ils avaient réalisé respectivement 26,3% et 13,6% moins d’un an auparavant, certes dans un tout autre scrutin, l’élection européenne.