Marseille, l’élection introuvable
L’élection municipale devait changer le visage de Marseille, tourner la page de vingt-cinq ans de gaudinisme, rompre avec plusieurs décennies d’abandon des services publics locaux, sanctionner les pratiques clientélistes et l’affairisme, pointer du doigt l’incurie, l’inconséquence et l’incompétence d’élu·e·s responsables, sinon coupables, des effondrements de la rue d’Aubagne et de la désastreuse gestion de la crise des délogé·e·s….[1]
Cette élection n’a pas (encore) eu lieu. En cause, bien sûr, la crise sanitaire qui après avoir bouleversé les conditions d’organisation du premier tour a contraint au report du second, qui aura finalement lieu le 28 juin prochain, après de nombreuses tergiversations. Pour autant, des leçons peuvent être tirées de cette élection à nulle autre pareille et surtout de cette campagne qui elle non plus n’a pas eu lieu… mais pourrait s’avérer riche d’enseignements sur le pouvoir municipal et son agonie.
Une campagne qui n’a pas eu lieu ? En voilà une affirmation étrange, car comment la démontrer ? Et d’abord qu’est-ce qui fait une campagne, qu’est-ce qui la constitue[2] ? Si l’on s’en tient à la définition classique d’une campagne comme « mise en œuvre concurrentielle d’ensembles de pratiques, de techniques et de savoirs visant à solliciter le suffrage des électeurs, dans une séquence temporelle précédant le vote », celle-ci s’est bien tenue à Marseille comme dans les autres communes en amont du scrutin du 15 mars.
Pour autant, et sans doute en raison des attentes suscitées par la perspective d’une succession inédite, l’émergence de nouvelles plateformes politiques transcendant les organisations partisanes et favorisant un profond renouvellement du personnel politique, ainsi que le dimension dramatique du contexte (délabrement des écoles, rapport accablant de la Chambre régionale des comptes, enjeu de l’habitat indigne, etc.), le décalage entre l’apparente ouverture de la configuration politique et l’étroitesse des propositions e