Les années Merkel, droit d’inventaire
Alors qu’elle aspirait à quitter son poste de chancelière dans le calme, passant le témoin au plus « merkelien » de ses anciens ministres et adversaires (Olaf Scholz, SPD), Angela Merkel a dû reprendre du service pour affronter coup sur coup la crise climatique et la crise pandémique. Mais que ce soit à Glasgow lors de la COP26 ou dans la gestion de la quatrième vague de Covid-19 qui déferle sur l’Allemagne, Merkel s’est montrée en retrait, comme timorée par l’enjeu. La « spécialistes des crises » n’a pas été à la hauteur de l’événement. Mais l’a-t-elle vraiment été par le passé ? Comment a-t-elle pu conjuguer crises successives et croissance économique continue ? L’actualité brûlante nous donne l’occasion de revenir sur le singulier parcours de celle qui incarnait l’Allemagne depuis deux décennies.

Tout ou presque a déjà été dit sur Angela Merkel, et pourtant elle échappe encore en partie à l’analyse. Celle qui fait partie du quotidien des Européens depuis seize ans, qui est plébiscitée par eux au moment où elle tire sa révérence, s’avère plus difficile à cerner qu’il n’y paraît. Contrairement à nombre de ses homologues masculins, elle n’est faite pas d’un bloc ; elle doute, elle soupèse toutes ses décisions et elle recherche en toute chose le juste équilibre… quitte à jouer les équilibristes ?
Pour tenter de percer à jour la personnalité de celle qui est encore officiellement la chancelière de l’Allemagne, il nous semble vain de présenter un bilan de son action en suivant classiquement un fil conducteur chronologique. Il nous paraît plus fécond d’aborder « Madame la chancelière » à travers le prisme de son ambivalence.
Consciemment ou non, Angela Merkel a en effet cultivé l’ambiguïté tout au long de son parcours politique, renvoyant d’elle-même plusieurs images, parfois contradictoires, sans que jamais cela n’entame sa popularité, au contraire. Et si l’ambiguïté foncière de Merkel pouvait s’expliquer par une forme d’apolitisme ? Curieux paradoxe pour déc