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Les années Merkel, droit d’inventaire

Géographe

Ce jeudi 2 décembre, une cérémonie militaire officielle marquera, à Berlin, le départ d’Angela Merkel. Après seize ans de mandature, l’heure est aux adieux et au bilan pour Die Kanzlerin, qui passera la semaine prochaine le flambeau au socio-démocrate Olaf Scholz.

Alors qu’elle aspirait à quitter son poste de chancelière dans le calme, passant le témoin au plus « merkelien » de ses anciens ministres et adversaires (Olaf Scholz, SPD), Angela Merkel a dû reprendre du service pour affronter coup sur coup la crise climatique et la crise pandémique. Mais que ce soit à Glasgow lors de la COP26 ou dans la gestion de la quatrième vague de Covid-19 qui déferle sur l’Allemagne, Merkel s’est montrée en retrait, comme timorée par l’enjeu. La « spécialistes des crises » n’a pas été à la hauteur de l’événement. Mais l’a-t-elle vraiment été par le passé ? Comment a-t-elle pu conjuguer crises successives et croissance économique continue ? L’actualité brûlante nous donne l’occasion de revenir sur le singulier parcours de celle qui incarnait l’Allemagne depuis deux décennies.

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Tout ou presque a déjà été dit sur Angela Merkel, et pourtant elle échappe encore en partie à l’analyse. Celle qui fait partie du quotidien des Européens depuis seize ans, qui est plébiscitée par eux au moment où elle tire sa révérence, s’avère plus difficile à cerner qu’il n’y paraît. Contrairement à nombre de ses homologues masculins, elle n’est faite pas d’un bloc ; elle doute, elle soupèse toutes ses décisions et elle recherche en toute chose le juste équilibre… quitte à jouer les équilibristes ?

Pour tenter de percer à jour la personnalité de celle qui est encore officiellement la chancelière de l’Allemagne, il nous semble vain de présenter un bilan de son action en suivant classiquement un fil conducteur chronologique. Il nous paraît plus fécond d’aborder « Madame la chancelière » à travers le prisme de son ambivalence.

Consciemment ou non, Angela Merkel a en effet cultivé l’ambiguïté tout au long de son parcours politique, renvoyant d’elle-même plusieurs images, parfois contradictoires, sans que jamais cela n’entame sa popularité, au contraire. Et si l’ambiguïté foncière de Merkel pouvait s’expliquer par une forme d’apolitisme ? Curieux paradoxe pour déc


[1] Source : Bundeszentrale für politische Bildung.

[2] Der Spiegel, « Biografie, Merkel », n° 1-2021.

[3] Le sauvetage sans contrepartie de la Deutsche Bank va se payer très cher. La banque, dont le cours s’est effondré en 2016, est considérée par certains analystes comme une « bombe à retardement » pour l’Europe. L’économiste Pierre Baudry, dans la dernière livraison de la revue Allemagne d’aujourd’hui (n°237, automne 2021, « Les banques allemandes face à la crise de 2008 : le cas de la Deutsche Bank et de la BayernLB », p. 196), conclut son analyse du système bancaire allemand par ces mots : « La Deutsche Bank constitue toujours un risque majeur pour le système financier international d’après un rapport du FMI de 2016 et la question de la légitimité de son sauvetage se pose toujours selon un rapport du Bundestag de 2019. »

[4] En réalité elle a même fait mieux puisque Kohl a été battu par Gerhard Schröder en 1998 à la fin de son quatrième mandat alors qu’Angela Merkel, si elle l’avait voulu, aurait pu être réélue lors des élections de 2021 et entamer un cinquième mandat à la tête de l’Allemagne. Mais contrairement à son encombrant prédécesseur, elle n’est pas mue que par l’ambition et la gloire.

Boris Grésillon

Géographe, Professeur à l'Université Aix-Marseille, Senior Fellow de la fondation Alexander-von-Humboldt (Berlin)

Notes

[1] Source : Bundeszentrale für politische Bildung.

[2] Der Spiegel, « Biografie, Merkel », n° 1-2021.

[3] Le sauvetage sans contrepartie de la Deutsche Bank va se payer très cher. La banque, dont le cours s’est effondré en 2016, est considérée par certains analystes comme une « bombe à retardement » pour l’Europe. L’économiste Pierre Baudry, dans la dernière livraison de la revue Allemagne d’aujourd’hui (n°237, automne 2021, « Les banques allemandes face à la crise de 2008 : le cas de la Deutsche Bank et de la BayernLB », p. 196), conclut son analyse du système bancaire allemand par ces mots : « La Deutsche Bank constitue toujours un risque majeur pour le système financier international d’après un rapport du FMI de 2016 et la question de la légitimité de son sauvetage se pose toujours selon un rapport du Bundestag de 2019. »

[4] En réalité elle a même fait mieux puisque Kohl a été battu par Gerhard Schröder en 1998 à la fin de son quatrième mandat alors qu’Angela Merkel, si elle l’avait voulu, aurait pu être réélue lors des élections de 2021 et entamer un cinquième mandat à la tête de l’Allemagne. Mais contrairement à son encombrant prédécesseur, elle n’est pas mue que par l’ambition et la gloire.