Politique

La déontologie parlementaire et ses limites

Juriste et sociologue

Cette semaine s’ouvre à l’Assemblée nationale la XVIe mandature de la Ve République, avec notamment l’élection à des postes clés de la chambre basse. Cette nouvelle législature sera-t-elle l’occasion de compléter et renforcer les dispositions adoptées en 2017 qui sont restées lacunaires, notamment vis-à-vis de l’emprise des intérêts privés sur la production des lois ?

Ce 28 juin débutera la XVIe mandature qui s’accompagnera de l’arrivée d’élus en partie renouvelés. Le rapport de force entre groupes politiques sera également profondément modifié. Le contexte se prêtera à une mise à jour des règles organisant les activités de cette institution, en particulier celles concernant la question, toujours extrêmement sensible, de l’utilisation du budget de l’Assemblée nationale. Le contexte sera particulièrement favorable, si Madame Yaël Braun-Pivet (élue LRM), ancienne présidente de la commission des lois est élue présidente de l’Assemblée comme il en est question[1]. Ce sera aussi l’occasion de voir la nouvelle NUPES à l’œuvre.

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Rappelons qu’à la suite de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, deux lois avaient marqué une étape décisive dans l’évolution du contrôle de l’usage de l’argent public par les parlementaires : celles du 15 septembre 2017 sur « la confiance dans la vie politique »[2]. Le nouveau président de la République avait tenu à ce que son mandat débute par ces décisions symboliques censées indiquer une façon de gouverner intègre en rupture avec des pratiques politiques antérieures décriées comme en témoigne, entre autres, « l’affaire Fillon ». Le début de la nouvelle mandature sera-t-elle l’occasion de compléter et renforcer les dispositions adoptées en 2017 qui sont restées lacunaires ?

L’interdiction des emplois familiaux, la limitation des activités cumulables avec le statut de député et la réforme de l’allocation de frais de mandat ont été des apports significatifs à une gestion probe. Cependant, un ensemble de lacunes ont été observées durant ces cinq dernières années : la facilitation des conflits d’intérêts par le cumul autorisé des activités de conseil avec le mandat politique, l’emploi à temps partiel d’assistants parlementaires par des groupes d’intérêts, la faiblesse du contrôle de l’usage des frais de mandat ainsi que celle des sanctions en cas d’abus, enfin, le manque d’autonomie du déontologue de l’A


[1]. Elle est pour l’instant ministre de l’Outre-Mer dans le gouvernement Borne 1.

[2]. Lois n° 2017-1338 [texte 1] et n°2017-1339 [texte 2]). Les deux se complètent et sont adoptées le même jour.

[3]. Olivier Rozenberg, « Faire tomber le statut matériel des parlementaires de son piédestal », dans Jean-François Kerleo et al. (dir.), Transparence et déontologie parlementaires : bilan et perspectives, Institut universitaire Varenne, 2019, p. 230-234.

[4]. Paul Cassia, « Frais de mandat des parlementaires : un recul déontologique sans précédent », Le Monde, 4 janvier 2018.

[5] René Dosière, Frais de palais, la vérité sur les dépenses de l’Élysée, Éditions de l’observatoire, 2019.

[6]. Le Bureau de l’Assemblée nationale est une instance collégiale de 22 membres regroupant majorité et opposition pour gérer l’administration de l’institution. Elle comprend les trois questeurs qui sont responsables de la gestion financière.

[7]. Philippe Séguin préside alors la Cour des comptes.

[8]. C’est près de 10 points de plus que les dépenses du budget général de l’État et près de 30 points de plus que l’inflation.

[9]. La part des frais de personnel dans le budget global est beaucoup plus élevée à Paris (25 % au Palais-Bourbon) qu’à Londres (15 % à la Chambre des communes britannique) ou à Berlin (10 à 12 % au Bundestag).

[10]. Lui-même magistrat à la Cour des comptes.

[11] 2021 : 540 millions de dépenses ; 900 fonctionnaires et 300 contractuels (Le Monde, 5-7/6/22, p.14)

[12]. Les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national, de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. La loi organique du 14 février 2014 a aussi interdit le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

[13]. Code pénal, articles 432-11 (prise illégale d’intérêt), 432-12 (trafic d’influence), 433-2 (corruption par un citoyen).

[14]. « Constit

Pierre Lascoumes

Juriste et sociologue, Directeur de recherche émérite au CNRS et au CEE (Centre d’études européennes et de politique comparée de de Sciences Po)

Notes

[1]. Elle est pour l’instant ministre de l’Outre-Mer dans le gouvernement Borne 1.

[2]. Lois n° 2017-1338 [texte 1] et n°2017-1339 [texte 2]). Les deux se complètent et sont adoptées le même jour.

[3]. Olivier Rozenberg, « Faire tomber le statut matériel des parlementaires de son piédestal », dans Jean-François Kerleo et al. (dir.), Transparence et déontologie parlementaires : bilan et perspectives, Institut universitaire Varenne, 2019, p. 230-234.

[4]. Paul Cassia, « Frais de mandat des parlementaires : un recul déontologique sans précédent », Le Monde, 4 janvier 2018.

[5] René Dosière, Frais de palais, la vérité sur les dépenses de l’Élysée, Éditions de l’observatoire, 2019.

[6]. Le Bureau de l’Assemblée nationale est une instance collégiale de 22 membres regroupant majorité et opposition pour gérer l’administration de l’institution. Elle comprend les trois questeurs qui sont responsables de la gestion financière.

[7]. Philippe Séguin préside alors la Cour des comptes.

[8]. C’est près de 10 points de plus que les dépenses du budget général de l’État et près de 30 points de plus que l’inflation.

[9]. La part des frais de personnel dans le budget global est beaucoup plus élevée à Paris (25 % au Palais-Bourbon) qu’à Londres (15 % à la Chambre des communes britannique) ou à Berlin (10 à 12 % au Bundestag).

[10]. Lui-même magistrat à la Cour des comptes.

[11] 2021 : 540 millions de dépenses ; 900 fonctionnaires et 300 contractuels (Le Monde, 5-7/6/22, p.14)

[12]. Les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national, de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. La loi organique du 14 février 2014 a aussi interdit le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.

[13]. Code pénal, articles 432-11 (prise illégale d’intérêt), 432-12 (trafic d’influence), 433-2 (corruption par un citoyen).

[14]. « Constit