Pour Samuel Paty, l’École pouvait tout
Samuel Paty, un de mes collègues enseignants, a été assassiné. Il n’était pas un combattant de la liberté comme le nomment désormais tous les commentateurs avares de qualificatifs. C’était un collègue professeur qui accomplissait son travail quotidien comme des milliers de professeurs dans nos écoles, nos collèges, nos lycées et nos universités. Samuel Paty est pour moi un professeur, simplement un professeur. Pour comprendre ce que ça signifie, j’aimerais vous raconter mon histoire d’amour avec l’École qui n’aurait pas pu avoir lieu sans des dizaines de Samuel Paty.

Musulmane, femme, maghrébine de la première ou de la deuxième génération, je suis avant tout française de cœur et de raison par l’École et pour l’École. Je suis française de cœur parce que j’aime Olympe de Gouges, Louise Michel, Simone de Beauvoir, Victor Hugo, Jean Jaurès et tous les autres qui font ma France : libertaire, humaniste, dreyfusarde, résistante. Française de raison car j’ai appris la liberté à l’école. En juin 1989, je suis arrivée en France par le regroupement familial. En septembre, je suis allée à l’école pour la première fois de ma vie. J’y ai rencontré deux institutrices formidables. Mon institutrice officielle qui a compris que j’avais besoin d’un accompagnement personnalisé et m’a confiée à sa collègue institutrice spécialisée. Cette dernière s’est attelée jour après jour à m’apprendre à lire et déchiffrer la langue française avec des mots, des gestes et bien sûr des livres. J’ai donc fait mes premiers pas dans un univers dans lequel aujourd’hui, j’en suis convaincue, la raison est le maître mot.
Apprendre, ce n’est pas simple. Mais avec un professeur, ça le devient. Il fallait que je déchiffre d’autres sons, d’autres mots, d’autres façons de voir le monde, loin de mon univers familial et social d’origine. L’école a été pour moi ce lieu de la rencontre avec un autre univers : celui des mots écrits sur du papier et qui attendent qu’on les déchiffre, que l’on se les approprie. C’e