Santé

Télé-psychanalyse : le transfert au temps du Corona

Psychanalyste

Popularisée par le confinement, la télé-psychanalyse représente-elle une solution viable ou se réduit-elle à un simple bavardage vidéo avec son patient ? Une chose du moins est certaine : la pandémie nous a obligé à réfléchir à ce qui fait l’essence de la psychanalyse. En cela, d’ailleurs, cette interrogation qui agite les psychanalystes est peut-être un exemple du meilleur usage qu’on peut faire de cette catastrophe : un questionnement sur ce qui lui est essentiel.

Depuis le 17 mars 2020, date du début du confinement mis en place par le gouvernement pour endiguer la contagion du virus SRAS-CoV-2, beaucoup de travailleuses et de travailleurs français ont maintenu leur activité professionnelle à travers le télétravail, jusqu’alors assez peu pratiqué en France. Les psychanalystes français, eux aussi, ont interrompu les consultations dans leurs cabinets à cause du confinement, et même aujourd’hui, une grande partie de leurs séances se font encore à distance. Les psychanalystes français ont ainsi eu à choisir entre interrompre les cures ou basculer en télétravail.

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Certes, beaucoup d’entre nous avions eu l’occasion de pratiquer dans le passé des séances à distance, mais pas de manière aussi systématique. Ce fut donc pour la profession et pour les patients une découverte et une expérience. Et comme beaucoup d’autres secteurs d’activités, la psychanalyse a appris quelque chose sur elle-même à cette occasion. À tel point que beaucoup de séances continuent à se faire à distance non seulement du fait des doutes qu’on peut encore avoir sur la situation épidémique, mais aussi parce que les patients le souhaitent pour diverses raisons. Cela suscite bien sûr beaucoup d’interrogations.

Pour ma part, dès le début, je n’ai donc eu aucun doute : si mes patients le souhaitaient, j’allais continuer mes consultations pendant le confinement en utilisant les interfaces disponibles : téléphone, Skype, WhatsApp, Messenger, Face Time… L’inconscient n’allait pas se laisser confiner, aucune raison d’interrompre les analyses !

Je ne suis pas une novice dans la pratique de ce que j’appellerais la télé-psychanalyse : des cures engagées depuis un certain temps avec des analysants dans l’impossibilité de se déplacer ou qui habitent à l’étranger m’avaient déjà convaincue de la validité de cette méthode : lorsque le transfert[1] est déclenché, quelque chose se passe forcément dans une séance. Mais comment qualifier ce quelque chose qui se trouve tout autant dans les analyses à distance que dans les analyses en présence ? Les effets sont-ils vraiment les mêmes que dans une séance au cabinet, où l’analyste est présent en chair et en os ?

Une chose du moins est certaine : la pandémie nous oblige à réfléchir à ce qui fait l’essence de la psychanalyse. En cela, d’ailleurs, cette interrogation qui agite les psychanalystes est peut-être un exemple du meilleur usage qu’on peut faire de cette catastrophe, voire de ce à quoi on peut souhaiter que beaucoup d’autres pratiques, sinon toutes, se livrent une par une : à un questionnement sur ce qui lui est essentiel. Le coronavirus aura alors été l’occasion d’apprendre quelque chose sur nous-mêmes.

La télé-analyse est-elle (vraiment) une psychanalyse ?

La pandémie a imposé aux psychanalystes une remise en question de leur pratique : il peut leur arriver en temps normal de pratiquer la télé-psychanalyse, mais comme exception à la cure-type. Pendant le confinement, elle est devenue la modalité ordinaire de la psychanalyse. Si un grand nombre de psychanalystes s’accordent sur le fait qu’il est souhaitable de maintenir le lien avec leurs patients à travers les consultations à distance, certains d’entre eux considèrent que celles-ci ne peuvent pas être considérées comme des psychanalyses au sens propre du terme[2], mais de simples entretiens de soutien, voire des conversations[3], ou encore des appels d’urgence, qui mettent à mal le cadre analytique classique, cadre qui, pour beaucoup de psychanalystes, se présente comme le seul garant de leur pratique[4].

Mais alors de nombreuses questions se posent. Cette solution est-elle pertinente pour celles et ceux qui ont déjà démarré une vraie psychanalyse au cabinet ? Ne risque-t-on pas de changer de traitement ? Et pourquoi le ferait-on ? La question du payement est aussi posée : comment régler une séance de psychanalyse qui n’en est pas une ? Faut-il baisser le prix ? Et pourquoi ne pas faire du bénévolat en offrant des consultations gratuites (certains le font) ? D’autres questions surgissent : si un patient oublie sa séance, doit-il la payer ? Ou alors faut-il le rappeler ? Et en cas de retard, on répond ou on ne répond pas à l’appel ? Et encore, comment réagir au silence pendant la séance, du moment qu’on ne sait pas s’il est dû à une béance dans le discours ou à un problème de connexion ?

Ces problèmes techniques convergent vers la vraie question des analyses à distance, c’est-à-dire le transfert : comment le maintenir, et le manier, lorsque le cadre de la séance est bouleversé et la psychanalyste n’est pas physiquement présente ? En l’absence d’un lieu spécifique consacré à la séance (le cabinet de l’analyste), ne risque-t-on pas de miner le setting analytique ? Autrement dit, peut-on rentrer directement dans l’autre scène, c’est-à-dire dans l’espace de l’inconscient, à partir de sa propre maison ? Si le risque de réduire la téléconsultation à du pur bavardage est bien sûr présent, d’autant plus en temps de pandémie où la question de la santé (« Salut, ça va ? ») prend un sens inhabituel, nous constatons que ce dispositif excentrique n’empêche pas le patient d’associer librement, et donc de produire des lapsus, des mots d’esprits, des rêves et des actes manqués.

D’ailleurs, on n’est jamais à l’abri du bavardage même en temps « normal », mais finalement celui-ci, si l’analyste n’y rentre pas, n’est pas un si grand obstacle : on peut toujours commencer par un « comment allez-vous ? », et terminer la séance après avoir touché les questions qui sont au cœur du désir du sujet. Tout dépend du désir d’analyse de l’analyste : la résistance – à l’inconscient – vient de lui et non du patient, ni du dispositif. Un dispositif peut être plus ou moins confortable qu’un autre, mais il n’est pas déterminant. Un cadre « normal » est rassurant pour l’analyste, mais parfois restrictif et même inhibant : l’habitude écrase l’invention, invention nécessaire pour diriger toute cure. Car une psychanalyse est possible seulement à travers le dispositif singulier propre à chaque analysant que l’analyste met en place comme assise de son désir d’analyse. Et lorsqu’il utilise un critère universel et permanent pour diriger ses cures, il échappe à l’éthique de sa pratique en prétendant s’en faire le garant.

L’acte analytique ne se supporte d’aucune permanence dans la structure de sa pratique. Cette faiblesse dans le support méthodologique est aussi, pour tout psychanalyste, l’expression de la rigueur éthique exigée par son acte, acte qui consiste à être capable de tenir une place, celle de celui qui porte la parole[5] de l’analysant, et qu’il occupe indépendamment du setting établi : derrière le divan, dans le face à face, par téléphone ou devant l’écran. Sinon, comment porter l’analysant à se faire à l’instabilité de son désir si l’analyste n’arrive pas à supporter l’instabilité de son propre cadre ?

La présence et la voix

Le terme anglais de setting convient mieux que celui de « cadre » pour désigner la structure de la pratique psychanalytique, structure qui, bien comprise, ne saurait être une « bonne forme[6] » : le cadre fait penser à un dispositif fixe, notamment fermé, alors que to set en anglais veut dire « mettre », « disposer », « accommoder », « aménager », et setting, littéralement, « installation », « mise en œuvre », « scène ». Cette autre conception du cadre, comme setting, se lie plus facilement aux notions d’« invention », « rythme », « mouvement » et s’oppose aux notions d’« ordre », « hiérarchie », « permanence ».

Aucun « bon » dispositif ne peut garantir l’analyste dans son acte : la télé-psychanalyse est une analyse au même titre que la cure-type, à condition que l’analyste ne recule pas dans son désir d’analyse face à son nouveau setting. Et rien ne le soulage dans son désir, désir qui ne peut se reposer sur aucun dispositif technique. Le cadre ne garantit pas sa présence, même lorsque l’analyste est présent en chair et en os. La présence s’avère être le seul critère technique nécessaire pour le déroulement d’une psychanalyse. Mais de quelle présence parlons-nous ? La présence de l’analyste n’est pas la présence physique de celui-ci. En revanche, l’analyste doit être capable de répondre présent à la demande d’analyse de son patient : toute l’équivoque est là.

Dès lors, un setting fracturé comme celui qu’impose la cure à distance peut, lui aussi, disposer le patient à la psychanalyse : ce n’est pas la présence physique de l’analyste qui la porte, car l’absence du corps n’implique pas l’absence de son désir, désir de répondre présent à la demande d’analyse de l’analysant[7]. Autrement dit, la présence de l’analyste se manifeste dans son acte – acte de répondre présent – et non à travers son corps. Et pourtant, les psychanalystes n’ont pas cessé de le répéter : pour l’analyse, il faut du corps. Lorsque l’amour de transfert opère, la voix est l’objet – selon ce régime un peu particulier que nous appelons celui de l’ « objet partiel » – qui permet de connecter le désir de l’analysant au corps de l’analyste. Oui, il y a du corps dans la télé-psychanalyse, et cet « objet cause » est la voix de l’analyste, et non la totalité de son corps exposée au regard de l’analysant. La parole de l’analysant s’appuie sur la voix de l’analyste, car c’est à travers cette voix qu’il passe de la conversation au discours de l’inconscient.

Quand nous pensons à l’analyste comme support du désir du sujet, nous n’entendons pas son corps unifié, c’est-à-dire la consistance de sa présence physique. Le corps de l’analyste, de même que la panoplie des lieux et des objets du cabinet, déclenchent les projections et les fantasmes de l’analysant, mais pour le faire, ils ne doivent pas être forcément présents : c’est l’amour de transfert – vrai socle des analyses à distance – qui fait le nécessaire pour déchaîner l’imaginaire, d’où la nécessité de ne pas perdre l’amour (de transfert) pendant les téléconsultations. Le transfert est mis à rude épreuve dans les téléconsultations : le pouvoir de suggestion de l’analyste est moins fort, d’où la fatigue qu’il peut ressentir parfois dans les analyses à distance.

Mais la suggestion, à la différence de l’hypnose, n’est pas le moteur principal d’une psychanalyse, et le psychanalyste peut compenser cette « défaillance », en mobilisant là aussi son désir d’analyse : désir dont il a la totale responsabilité, car il ne dépend pas du cadre, analytique ou institutionnel[8]. L’inconscient est nulle part, la réalité psychique n’appartient à aucun lieu géographique. Ainsi, le cabinet comme lieu concret, géographique et physique, est encore un appui agalmatique[9] de l’analyse, donc finalement substituable par n’importe quelle autre fiction mise en place par l’analysant. Ces projections exigent seulement l’idée que la personne de l’analyste existe quelque part dans le monde. À partir de là, toute imagination est possible.

La télé-psychanalyse pour sortir des généralités sur l’expérience pandémique

Lors d’une vidéo-séance avec un patient autiste, il nous est arrivé quelque chose d’inattendu. Comme je l’espérais, il avait repris d’emblée, face à la caméra de son ordinateur et en ma présence au-delà de l’écran, l’activité qu’il a l’habitude de faire lors de nos rencontres au Centre Médico-Psychologique, activité qui consiste à fabriquer des collages en utilisant des feuilles en papiers, des post-it, des feutres, du scotch, et des ciseaux. D’habitude, lorsqu’il termine, il me demande de le signer à sa place, ou alors c’est lui qui signe ses collages avec des gribouilles. Mais voilà que, face à l’écran, pour la première fois, le patient écrit en toute lettre son prénom, et me montre le collage signé en le plaçant devant la caméra de l’ordinateur pour que je le vois bien sur mon écran. La Skype-analyse, capable d’installer une autre distance (entre nos corps) a probablement favorisée la chute de certains blocages autistiques dans le lien intersubjectif, vrai enjeu de l’analyse avec un sujet autiste.

Lorsque je propose la télé-psychanalyse à un autre patient, qui, en temps « normal », vient me voir une fois par semaine au cabinet, celui-ci reste dubitatif, même s’il décide finalement malgré tout de continuer ses séances par Skype (avec vidéo)[10]. Il me dit d’emblée qu’il se sent contrôlé par moi à travers la vidéo, et il s’en prend à la psychanalyse en général qui rentre de manière intrusive dans la vie intime des gens à travers Skype. Je décide alors de lui proposer deux séances par semaine à la place d’une seule – s’il le souhaite, bien sûr. Le patient est d’abord surpris par ma proposition, d’autant plus qu’il avait pensé, au contraire, passer à deux séances par mois seulement. Il allait donc réfléchir et me communiquer sa décision. La semaine d’après nous nous sommes « vus » deux fois, et ainsi de suite dans les semaines suivantes : la réticence légèrement agressive du patient semble avoir immédiatement disparu. Peut-être le souhait d’abandonner reflétait-il sous une forme inversée une demande, précisément, de présence, qui s’est trouvée satisfaite par le doublement des séances.

On voit que la proximité ou la distance en analyse ne dépendent guère du dispositif, ni de la présence en chair et en os de l’analyste, mais de sa disponibilité, qui est aussi une disponibilité à inventer, inventer précisément des manières de répondre présent à la demande (d’analyse) de l’analysant. L’analyse à distance impose à la psychanalyste de réinventer son dispositif. C’est la rigoureuse souplesse de la technique psychanalytique : une seule règle s’avère indépassable, celle qui oblige l’analyste à soutenir jusqu’au bout son propre désir d’analyse – quoi qu’il en coûte… Ainsi les difficultés de la télé-psychanalyse sont surmontables grâce à la présence du désir de l’analyste. Certes, ce désir ne peut pas tout. Par exemple, un entretien par écrit, via mail ou courrier postal, ne saurait relever de la psychanalyse, car l’écrit écrase la synchronie, et donc la surprise d’être saisi par l’autre, au milieu d’un lapsus par exemple, et il exclut la contingence de chaque rencontre.

L’expérience de la télé-analyse au temps du corona nous fait voir que les effets psychiques de la pandémie ne sont pas généralisables : toute généralité sera toujours invalidée par la psychanalyste qui voit, à l’intérieur de sa pratique, les moyens infinis de réagir du sujet, même face à un événement mondial et sous certains aspects tragiques, comme celui du Covid-19. Il n’y a pas de sens, en psychanalyse, à parler de « trauma collectif ». L’événement traumatique du point de vue de l’inconscient ne correspond pas à une situation concrète (dans notre cas : la pandémie), et le fait qu’il soit collectif ne change pas la donne. Trop de facteurs interviennent, au niveau de l’inconscient de chacun, pour pouvoir identifier et généraliser le trauma subjectif au trauma de masse.

Il reste donc à chacun de saisir la façon dont il est pris dans cette expérience. Cela certes peut nous laisser désemparés. Mais la bonne nouvelle que la psychanalyse ici apporte est en somme que nous ne sommes condamnés à rien : il y a toujours des marges d’invention, il est donc inutile de faire des pronostics et des vœux trop précis pour le « jour d’après ». La pandémie reste à inventer au jour le jour, de même que la psychanalyse, toujours.


[1] Le transfert (Uberträgung) indique la relation affective entre l’analyste et l’analysant, que Freud considère comme une véritable relation d’amour. Freud oppose les « névroses de transfert » aux « névroses narcissiques », où les investissements des objets – entre autres de l’analyste – sont difficiles. L’hystérie et la névrose obsessionnelle sont des névroses de transfert, alors que la névrose narcissique s’apparente à la mélancolie et à la psychose en général. Sigmund Freud, « Névrose et psychose » (1924), Névrose, psychose et perversion, PUF, 1973, p. 286

[2] Roland Jacob Meyer, « Les didascalies de l’analyste. À propos des séances par téléphone », 2020, mail collectif adressé à une liste de plus de 250 membres, gérée par Patrick Landman. Caroline Eliacheff a défendu la même position dans l’émission de Guillaume Erner sur France Culture, L’invité(e) des Matins, « Les gens ont des ressources, parfois des ressources qu’ils ne connaissent pas », le 06/04/2020

[3] Guy Dana, « L’analyse n’est pas une conversation » sur son site.

[4] Pour certaines écoles de psychanalyse, dont l’IPA (International Psychoanalytic Association), les analyses d’enfants et des psychotiques sont forcément des psychothérapies. L’orientation du discours dans ces analyses, qui ne vise pas directement à l’interprétation œdipienne, le setting, qui ne prévoit pas l’usage du divan, et la fréquence des séances, font « déchoir » ces types de cure au rang de la psychothérapie.

[5] Jacques Lacan, « Variantes de la cure-type » (1955), Écrits, Seuil, 1966, p. 350.
Lacan dira un peu plus loin que l’analyste doit être « perméable à la parole authentique de l’autre, dont il s’agit maintenant de comprendre comment il peut la reconnaître à travers son discours ». Ibid. p. 352.
Cette intervention de 1955 est un repère précieux pour les questions qui nous occupent et sera une référence tout au long de ce texte.

[6] « La structure, c’est le réel qui se fait jour dans le langage. Bien sûr n’a-t-elle aucun rapport avec la “bonne forme”. » Jacques Lacan, « L’Étourdit » (1972), Autres écrits, Seuil, 2001, p. 476

[7] Lacan avait fort bien formulé ce point en 1955 : « […] une psychanalyse, type ou non, est la cure qu’on attend d’un psychanalyste. […] Car, si la voie de la psychanalyse se met en cause en la question de ses variantes au point de ne plus se recommander que d’un type, une existence aussi précaire pose qu’un homme la maintienne et que ce soit un homme réel. » Jacques Lacan, « Variantes de la cure-type », op. cit., p. 329

[8] L’effort de l’International Psychoanalytic Association de synchroniser les critères thérapeutiques, est considéré par Lacan, comme un « syncrétisme de pure fiction » : toute tentative d’universaliser les méthodes reste pour lui « approximative » et « prétentieuse ». Ibid. La même IPA a d’ailleurs plus récemment communiqué une liste de conseils techniques visant à rétablir un standard pour les consultations à distance, pour les patients avec qui elle ne les déconseille pas formellement. Ces recommandations sont indiquées sur le site de l’IPA.

[9] Une entité agalmatique est un objet doté d’une aura attirante, qu’il doit au fait qu’il incarne aux yeux du patient la réalité énigmatique et précieuse de l’Autre. Le mot a été introduit par Lacan dans son séminaire sur le transfert. Jacques Lacan, Le séminaire, Livre VIII, Le transfert, Seuil, 1991.

[10] En général je demande à mes patients de choisir l’interface, avec ou sans vidéo. La télé-psychanalyse est un dispositif complètement différent de celui de la cure-type, il ne doit donc pas chercher à imiter celle-ci. Par exemple, mes patients allongés n’ont pas tous choisi de faire des entretiens sans vidéo, et ceux en face à face ont parfois préféré le téléphone.

Silvia Lippi

Psychanalyste

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Le transfert (Uberträgung) indique la relation affective entre l’analyste et l’analysant, que Freud considère comme une véritable relation d’amour. Freud oppose les « névroses de transfert » aux « névroses narcissiques », où les investissements des objets – entre autres de l’analyste – sont difficiles. L’hystérie et la névrose obsessionnelle sont des névroses de transfert, alors que la névrose narcissique s’apparente à la mélancolie et à la psychose en général. Sigmund Freud, « Névrose et psychose » (1924), Névrose, psychose et perversion, PUF, 1973, p. 286

[2] Roland Jacob Meyer, « Les didascalies de l’analyste. À propos des séances par téléphone », 2020, mail collectif adressé à une liste de plus de 250 membres, gérée par Patrick Landman. Caroline Eliacheff a défendu la même position dans l’émission de Guillaume Erner sur France Culture, L’invité(e) des Matins, « Les gens ont des ressources, parfois des ressources qu’ils ne connaissent pas », le 06/04/2020

[3] Guy Dana, « L’analyse n’est pas une conversation » sur son site.

[4] Pour certaines écoles de psychanalyse, dont l’IPA (International Psychoanalytic Association), les analyses d’enfants et des psychotiques sont forcément des psychothérapies. L’orientation du discours dans ces analyses, qui ne vise pas directement à l’interprétation œdipienne, le setting, qui ne prévoit pas l’usage du divan, et la fréquence des séances, font « déchoir » ces types de cure au rang de la psychothérapie.

[5] Jacques Lacan, « Variantes de la cure-type » (1955), Écrits, Seuil, 1966, p. 350.
Lacan dira un peu plus loin que l’analyste doit être « perméable à la parole authentique de l’autre, dont il s’agit maintenant de comprendre comment il peut la reconnaître à travers son discours ». Ibid. p. 352.
Cette intervention de 1955 est un repère précieux pour les questions qui nous occupent et sera une référence tout au long de ce texte.

[6] « La structure, c’est le réel qui se fait jour dans le langage. Bien sûr n’a-t-elle aucun rapport avec la “bonne forme”. » Jacques Lacan, « L’Étourdit » (1972), Autres écrits, Seuil, 2001, p. 476

[7] Lacan avait fort bien formulé ce point en 1955 : « […] une psychanalyse, type ou non, est la cure qu’on attend d’un psychanalyste. […] Car, si la voie de la psychanalyse se met en cause en la question de ses variantes au point de ne plus se recommander que d’un type, une existence aussi précaire pose qu’un homme la maintienne et que ce soit un homme réel. » Jacques Lacan, « Variantes de la cure-type », op. cit., p. 329

[8] L’effort de l’International Psychoanalytic Association de synchroniser les critères thérapeutiques, est considéré par Lacan, comme un « syncrétisme de pure fiction » : toute tentative d’universaliser les méthodes reste pour lui « approximative » et « prétentieuse ». Ibid. La même IPA a d’ailleurs plus récemment communiqué une liste de conseils techniques visant à rétablir un standard pour les consultations à distance, pour les patients avec qui elle ne les déconseille pas formellement. Ces recommandations sont indiquées sur le site de l’IPA.

[9] Une entité agalmatique est un objet doté d’une aura attirante, qu’il doit au fait qu’il incarne aux yeux du patient la réalité énigmatique et précieuse de l’Autre. Le mot a été introduit par Lacan dans son séminaire sur le transfert. Jacques Lacan, Le séminaire, Livre VIII, Le transfert, Seuil, 1991.

[10] En général je demande à mes patients de choisir l’interface, avec ou sans vidéo. La télé-psychanalyse est un dispositif complètement différent de celui de la cure-type, il ne doit donc pas chercher à imiter celle-ci. Par exemple, mes patients allongés n’ont pas tous choisi de faire des entretiens sans vidéo, et ceux en face à face ont parfois préféré le téléphone.