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Après la victoire de Joe Biden, les Démocrates face à une nouvelle génération d’activistes

Philosophe, Sociologue

Joe Biden doit sa victoire à une forte mobilisation de citoyens habituellement abstentionnistes, exclus du vote. Une nouvelle génération de militants et d’activistes a ainsi mené un travail de terrain de longue haleine. Pourtant, ils ont dû œuvrer à l’écart – et souvent à l’encontre – des instances officielles du Parti démocrate, dans des mouvances comme Never Again, Black Lives Matter ou #MeToo. La reconnaissance de cet activisme et de ses aspirations spécifiques constitue désormais un enjeu politique majeur.

Après le soulagement immense (Breathe!) de la fin annoncée de la présidence de Donald Trump, il est permis de se demander ce qui compte en démocratie : les institutions, états-uniennes en l’occurrence, qui ont résisté aux assauts qu’elles ont subis durant ces quatre dernières années et dont le fonctionnement a été si admiré ces derniers jours, avec le décompte minutieux et patient de tous les votes dans chaque État ? La vigueur de l’activisme politique des citoyens ordinaires, qui s’est traduite par une mobilisation de tous bords d’où a résulté un niveau de participation à l’élection jamais atteint (66 % du corps électoral, soit de 5 à 15 % de plus que d’habitude) ? Ou l’irruption en politique de groupes de population régulièrement ignorés par ceux qui arrivent au pouvoir grâce à eux et elles – les femmes, les minorités, les défavorisés ?

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Mais dans cette élection, le facteur moral a d’abord joué un rôle déterminant : ce que bien des gens ont appelé le « character », la manière d’être du président Trump, son caractère éthiquement choquant, son égoïsme radical, son indifférence à la souffrance, son sexisme et son racisme explicites et violents, son mépris des subalternes et des pauvres et son incapacité à l’échange authentique avec autrui. Le lien intime entre éthique et vérité a été tout aussi crucial. Les mensonges permanents, la négation des faits avérés, l’absence de logique et de cohérence (exemple : condamner le décompte de bulletins dans un État et l’encourager dans l’autre) se sont révélés des fautes morales.

Le simple fait que Joe Biden soit perçu, même par ceux qu’il n’exalte vraiment pas (nous par exemple), essentiellement comme un « brave type » heureusement à peu près exempt de corruption (antithèse d’un affreux bonhomme totalement dépourvu de care et de scrupules) traduit cette dimension éthique minimale et explique le succès du futur président. Biden et Harris revendiquent d’emblée, dans la tradition perfectionniste honorée encore récemment p


[1] R. Grim et A. Lacy, « Biden Wins, But Now the Hard Part Begins », The Intercept, 6 novembre 2020.

[2] Nom qu’Alexandria Ocasio-Cortez, élue à New York en 2018, a donné au groupe de représentantes élues en même temps qu’elle : Ilhan Omar (Minnesota), Ayanna Pressley (Massachusetts) et Rashida Tlaib (Michigan).

Sandra Laugier

Philosophe, Professeure à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Albert Ogien

Sociologue, Directeur de recherche au CNRS – CEMS

Notes

[1] R. Grim et A. Lacy, « Biden Wins, But Now the Hard Part Begins », The Intercept, 6 novembre 2020.

[2] Nom qu’Alexandria Ocasio-Cortez, élue à New York en 2018, a donné au groupe de représentantes élues en même temps qu’elle : Ilhan Omar (Minnesota), Ayanna Pressley (Massachusetts) et Rashida Tlaib (Michigan).